En ce temps-là, la capitale de la Bretagne était aussi celle de la branchitude. Fin des années soixante-dix, début des années quatre-vingt, le rock rennais, avec pour figures de proue Étienne Daho, Elli Médeiros et Marquis de Sade, fait vibrer la jeunesse. C'est dans cette ambiance effervescente que Vincent Grégoire, directeur du département art de vivre de l'agence de tendances Nelly Rodi, passe ses 20 ans. «À l'époque, la mode était à la mode, et je voulais en faire mon métier, raconte-t-il. Mais mes parents n'étaient pas très chauds, estimant que ce n'était pas un vrai travail.» Ce sera donc l'architecture: en 1982, il débarque à Paris, et ne met pas longtemps à rencontrer la papesse du style Nelly Rodi.
Aujourd'hui, cela fait près de 19 ans que cet hyperactif officie dans le bureau de tendances, situé dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Sans lassitude aucune, même si son agenda donne le tournis: «J'ai passé quinze jours en Extrême-Orient, jeudi je pars à Düsseldorf, puis à Istanbul et Milan…» Aucune fatigue, vraiment? «Rien ne m'angoisse plus qu'un week-end à la campagne. Même avec des amis, je ne peux m'empêcher de poser de questions, de prendre des photos, à tel point qu'ils me supplient d'arrêter!», confesse ce volubile tendanceur à la mise aussi soignée que son langage est inventif – on lui doit de savoureux néologismes tels que «newstalgie», «escapisme», «subverchic», «masque market».
Signes microscopiques
Lorsque l'on se nourrit de l'air du temps, explique-t-il, «une fois le radar branché, on peut dénicher autant d'éléments au Shopi du coin qu'au fin fond de la Chine». La démarche est toujours la même: on attaque par le fond, en rencontrant des philosophes, des sociologues, des spécialistes des nanotechnologies. On prépare ensuite le terrain en faisant appel à des correspondants étrangers qui font remonter de l'info. On passe après au terrain du consommateur avec des études qualitatives et quantitatives. Enfin, on regarde à la loupe le calendrier: «Madonna va-t-elle sortir un nouveau disque ? Quelles sont les expos à venir? Y a-t-il des commémorations bientôt? Tous ces microsignes ont des incidences», estime Vincent Grégoire.
Ce dernier, qui planche aujourd'hui sur les tendances 2012, donne décidément de sa personne, y compris dans les médias, où il est abondamment cité. Vincent Grégoire le jure, pas d'ego là-dedans: «J'ai grandi dans une famille d'enseignants, de religieux, qui m'ont donné le goût de la transmission.»