Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à choisir de mettre en avant leurs collaborateurs dans leurs campagnes de publicité ou de communication. Du deux en un, avec un message aux deux cibles visées.
« Vu(e) à la télé » ! Une réaction qui pourrait se répandre dans le monde de l’entreprise, avec l’affichage des collaborateurs dans les campagnes de communication ou de publicité des grandes enseignes. Carglass l’a fait, d’abord en radio puis à la télévision, avec Johann, Frédéric ou Olivier… et des enregistrements réalisés dans les centres. Une stratégie payante, soutenue par la ritournelle entêtante : « Carglass répare, Carglass remplace ». Tho, Mélanie, Saintanné ou bien encore Rosa… au total, neuf employés de maison ont été affichés sur les murs de Paris pour les 20 ans de Shiva, spécialiste des prestations de ménage et repassage. Neuf portraits en noir et blanc signés Harcourt. Exit les blouses, place au glamour, au brushing impeccable (on peut retrouver les images du making of en ligne). « Si le phénomène n’est pas nouveau, il prend de l’ampleur, commente Laurence Fort-Rioche, enseignante-chercheuse en marketing à Rennes School of Business. Omniprésente, la digitalisation est assez déshumanisante. Associée à la ʺgreat resignationʺ qui devient transectorielle, elle pousse à remettre de l’humain dans l’entreprise. »
« Les salariés sont les meilleurs porte-parole de la boîte, assène Celia Lenormand, responsable communication marque employeur chez Mazars, cabinet français d’audit, de comptabilité et de conseils aux entreprises. Leur message est beaucoup plus crédible. » Une réponse apportée à la demande de transparence des consommateurs, mais aussi des candidats, en B to B, comme en B to C. Deux salles, une ambiance. Dans un marché de l’emploi tendu, les recruteurs passent en revue toutes les pistes pour atteindre leurs potentiels futurs collaborateurs. Picard joue ainsi sur les deux tableaux, avec des spots TV dans lesquels des collaborateurs vantent les mérites des produits. « Aucun script n’a été défini, souligne Agathe Boillot, responsable pôle marque employeur. On les laisse exprimer librement leur ressenti. Mais avec cet exercice, renouveler le contenu rapidement est nécessaire, sinon l’oubli pointe. »
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Une recette qui réussit à l’enseigne alimentaire préférée des Français : deux fois plus de consultation sur les réseaux sociaux. Stéphanie Abadie, directrice adjointe de la communication du groupe Casino, a été séduite par le tout dernier concept de Didier Pitelet, créateur de la fameuse « marque employeur » : une exposition virtuelle des « Gueules de l’Emploi ». En un clic (https://www.gueulesdelemploi.fr/), 120 femmes et hommes incarnent des métiers, des secteurs et des enseignes différentes, comme Gifi, La Maison ou BNP Paribas… « Un voyage authentique, les yeux dans les yeux », promet Didier Pitelet, par ailleurs fondateur d’Henoch Consulting. « Cette proposition a fait l’objet d’un accord unanime des membres du comex pour mettre en avant tous nos métiers, et pas uniquement pénuriques, commente Stéphanie Abadie. La guerre des talents est telle que tout ce qui permet de travailler la dynamique du sentiment d’appartenance et de nous rendre visibles nous intéresse. Avec une forme de fierté que l’on avait sous-estimée. »
Lidl est même allé plus loin. Pour gommer une image de hard discount ou d’entreprise difficile, le groupe allemand de distribution a choisi de donner la parole aux familles de leurs collaborateurs. Huit spots tournés, six diffusés, en trois salves – la première en janvier, la deuxième au printemps, la troisième interviendra à la fin de septembre prochain. Une première ! « C’est une politique audacieuse qui fait converger marque employeur et marque commerciale, commente Anne Broches, directrice exécutive des ressources humaines de Lidl France. Elle dit quelque chose de notre entreprise. Cette campagne a demandé un an et demi de travail. » Avec des premiers résultats à même de satisfaire l’équipe RH. Selon BVA, institut de sondages, « la campagne ʺBien plus qu’un jobʺ montre son efficacité sur les clients réguliers habituels mais également sur des cibles plus éloignées. Elle corrige fortement le déficit [d’image] et remet Lidl à égalité avec ses concurrents sur les personnes qui ont vu la campagne. La communication marque employeur bénéficie concrètement à la marque commerciale. » Douze points de plus pour l’intention de fréquenter l’enseigne chez ceux qui ont vu la V1 ; dix points de plus chez ceux qui ont vu la V2. Pour autant, de l’aveu même d’Anne Broches, « cette politique n’a pas facilité le recrutement ».
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Elle dérange même certains. « La démarche me questionne, dit Laurence Fort-Rioche, du point de vue de l’éthique. Une salariée choisit son entreprise. Mais ce n’est pas le cas du mari ou de la fille. Une ligne jaune a été franchie. Une surenchère se fait jour. Et puis, avec des salariés dont l’image est associée à celle de leur ex-entreprise, que se passe-t-il quand ils en changent ? Est-ce une entrave à l’employabilité ailleurs ? » Les vraies conclusions seront à tirer dans quelques mois. Si la notoriété peut être boostée à court terme, les retombées se mesurent à long terme.
La mise en exergue des collaborateurs constitue-t-elle un phénomène nouveau ?
En 2008, je consacrais ma thèse à l’émergence de nouveaux modèles des marques sur fond de crise. Elles développent alors davantage des discours sociétaux pour être perçues comme un partenaire du quotidien. À chaque crise de fond, tous les moyens sont bons pour se mettre en avant. Ainsi EDF mettait en avant, à cette période, ses salariés.
Pourquoi un effet « revival » aujourd’hui ?
Comme une espèce vivante, les marques s’adaptent à leur environnement pour survivre. On peut d’ailleurs parler de darwinisme des marques. Avec des consommateurs de plus en plus méfiants par rapport au discours publicitaire, elles passent d’un message sur le prix ou les avantages du produit à une communication ciblée sur leurs valeurs ou l’esprit d’entreprise, le respect porté aux collaborateurs… Autrement dit, cela revient à publiciser la communication interne. On peut parler d’un mélange des sphères, de plus en plus poreuses. Elles accentuent le trait sur le bien-être des salariés, les coulisses ou le quotidien de l’entreprise…. Avec un but affiché et un autre caché : faire adhérer les salariés à cet esprit d’entreprise. D’où le risque d’un brouillage de lecture. D’où aussi des comptes à rendre à la fois sur la qualité des produits mais également sur le management.
Est-ce que cela traduit une évolution de l’intérêt porté à la communication interne ?
Autrefois, parent pauvre, nos jeunes sont de plus en plus nombreux à consacrer leurs mémoires à la communication interne. Ce n’est pas anodin. Les campagnes jouent aussi davantage sur le ressort de l’émotion.