Le distanciel secoue aussi la formation continue. Alors que le télétravail reste le quotidien de nombreux salariés, plusieurs acteurs font de la formation à distance une ligne directrice. C'est le cas par exemple de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), qui met en avant « une vision raisonnée du chemin et de l’évolution vers l'e-learning qui tiennent à [son] ADN ». Résultat : des proportions de séquences synchrones (qui se déroulent en même temps pour tous) et asynchrones très variables selon les filières. « Nous avons 12 filières de formation et plus de 450 formations en catalogue, rappelle Valérie Champetier, chef de service de l’unité de fabrication des contenus audiovisuels et numériques de l’INA. Plusieurs critères vont faire varier la proportion de synchrone et d’asynchrone : les thématiques abordées, leur niveau de technicité, la volonté du client… Au départ, une séquence synchrone est souvent nécessaire pour constituer le groupe et bien préciser les objectifs et le parcours de formation. »
Des formats difficiles à pérenniser
Avec un tel filtrage, l’INA ne fixe d’emblée aucun pourcentage de distanciel à atteindre. Si certaines formations ont été facilement digitalisées, comme celles portant sur le droit de l’audiovisuel et du numérique, la transformation digitale des organisations ou le design thinking, d’autres, qui exigent de manipuler des matériels techniques complexes ou des séquences collectives, restent en retrait de ce mouvement. La progression du distanciel se poursuit cependant régulièrement, en fonction des thématiques et des métiers, mais aussi en prenant en compte les évolutions du digital learning lui-même. Les innovations concernant les quiz, les vidéos, les classes virtuelles, le gaming ou le tutorat, individuel ou collectif, sont donc suivies avec attention.
Mais identifier les bonnes approches peut s’avérer moins évident que prévu. L’IMM [groupe Mediaschool, propriétaire de Stratégies] a lancé en septembre 2020 un format hybride, ouvert aussi, pour la première fois, à des étudiants en distanciel. Il y a encore des dimensions à améliorer, explique Rosa Luna-Palma, directrice générale du pôle formation continue : « Il est très compliqué pour l’intervenant de rester devant son ordinateur pour être filmé par la caméra alors qu’il a des étudiants en face de lui. Nous envisageons d’équiper les salles de caméras pour redonner sa liberté de mouvement à l’intervenant. »
Priorité à l’émulation
L’intervenant, justement, va sans doute constituer la cheville ouvrière de la transformation en cours. La posture de sachant qui dispense un cours magistral avec des ateliers d'application deviendra peut-être bientôt une image d’Épinal. « Avec le distanciel, il faut beaucoup plus d'interaction et il faut fractionner les durées, estime Céline Gaude, directrice générale de Media Institute. Une séquence continue de deux heures n'est plus envisageable. Nous sommes en train de passer d'une formation avec beaucoup de diffusion de contenus à une formule avec plus d'action de la part des participants, avec beaucoup de tutorat. » Un mouvement est lancé. À la diffusion classique d’un contenu dense va succéder un dispositif qui doit aider les participants à structurer les éléments qu’ils s’approprient. « Nous sommes entrés dans une forme de ping-pong où, dès le début de la formation, le formateur vient solliciter parmi les participants leurs expériences, leurs questionnements ou leurs connaissances, assure Céline Gaude. C'est un nouveau mode de fonctionnement qui donne la priorité à l'émulation. » Elle table en parallèle sur une croissance des ateliers individuels avec des retours en mode collectif lors des sessions suivantes, beaucoup de travail tutoré, plus d'échanges entre participants, qui s'enrichissent en partageant leurs expériences. Fini donc le formateur sachant, place à celui qui peut faire ressortir les connaissances des participants et les aider à la structurer.
Manque de stabilité
Abilways a choisi d'accompagner ses intervenants dès le premier confinement afin de les aider à mieux maîtriser l’environnement digital et à adapter leur séquencement pédagogique. « Cet accompagnement comprenait des webinars, du coaching individualisé et des Abilways Cafés bi-hebdomadaires, avec une dimension bac à sable, durant lesquels les formateurs pouvaient tester leur mode d’animation et leur séquencement pédagogique auprès de leurs pairs », précise Marion Breuleux, directrice de l’innovation, qui assure avoir ainsi levé de nombreux freins vis-à-vis du distanciel.
Si le futur n’est pas encore écrit, les idées audacieuses ne manquent pas. « Le distanciel va évoluer vers des expériences immersives, avec des casques de VR (réalité virtuelle), estime pour sa part Rosa Luna-Palma. Cela permettrait de casser les frontières entre présentiel et distanciel, et de proposer une expérience sans couture entre les deux. » Reste que le paysage de la formation continue manque encore de stabilité. Selon Richard Strul, président du cabinet de marketing digital Resoneo, qui assure aussi des formations en référencement, « faute de pratique et d'outils largement diffusés, le monde de la formation est encore à l'orée de tous ces fonctionnements. La courbe d'expérience a encore besoin de se renforcer sur l'ensemble des interactions à distance, il y a encore beaucoup de choses à inventer. »
« C'est difficile de créer du lien à distance »
Richard Strul, président du cabinet de marketing digital Resoneo
« Demander si les participants ont des questions n'est déjà pas très efficace en présentiel. En distanciel, c'est pire. Il est difficile de créer du lien. L'un des soucis de la distance est qu'elle réduit la sérendipité collective. L'un des moyens de surmonter ces obstacles est d'organiser des ateliers avec un nombre réduit de participants. D'après les formations que nous avons menées, je dirais que les trois vecteurs les plus efficaces d'interactivité sont des ateliers en petits groupes, des quiz et des tours de table. »