Au moment des délibérations, les scores étaient serrés entre votre team et celui d’Artefact 3000. Finalement vos projets innovants ont réussi à faire la différence. Comment avez-vous reçu la nouvelle ?
Raphaël Sold. Nous étions en train de bosser sur le canapé de Natan, et là il me montre le fameux mail. Au départ, nous avons eu du mal à réaliser, nous ne nous y attendions pas mais nous étions super contents.
Natan Ritaly. Nous étions déjà ravis d’être retenus pour la première étape du concours, d’ailleurs après notre première interview avec Stratégies, je me souviens, ça nous a mis un coup de boost. C’était déjà une première victoire.
Pouvez-vous retracer votre parcours ?
N.R. Je suis né à Paris mais lorsque j’étais en primaire, ma mère a été mutée dans les Pays de la Loire, à Laval. J’ai donc grandi là-bas jusqu’au bac. En 2014, je suis rentré à Paris pour effectuer mes études à Sup de Pub, de la Manaa au Master 1 en design graphique. J’ai enchaîné avec un stage de six mois chez Herezie.
R.S. Pour ma part, je suis né à Metz, j’ai grandi dans un petite ville à côté qui s’appelle Rombas. Pour dire vrai, je ne savais pas trop quoi faire après le bac. Au lycée, ma professeur d’éco m’a soufflé l’idée de continuer en publicité. J’ai postulé pour un DUT publicité à Nancy et j’ai d’abord été refusé. J’ai tellement insisté qu’au bout d’un mois, l’école m’a rappelé pour me dire qu’ils me prenaient. J’y suis resté deux ans pour enchaîner deux ans sur Paris à Sup de Pub. Après un stage de trois mois chez Leo Burnett, j’ai intégré Herezie en alternance.
Votre première rencontre s’est donc passée chez Herezie ?
N.R. Avant Herezie, nous nous connaissions à peine. Nous partagions des amis à Sup de Pub mais lorsqu’on se croisait dans les couloirs, on se saluait timidement.
R.S. Maintenant nous passons 90% de notre temps ensemble.
N.R. Je me dis que Paul Marty (directeur de la création) avait flairé le truc. Quatre ans après notre rencontre, rien n'a changé dans notre team.
R.S. Nous avons pas mal évolué au sein de cette boite. Nous avons commencé en tant que stagiaires et actuellement, nous faisons partie des plus anciens.
Votre première et unique expérience chez Herezie, rêve déchu ou ascension fulgurante ?
R.S. Je suis arrivé six mois avant Natan. J’ai été accueilli par Paul qui m’a surtout fait visiter les restaurants autour de l’agence... D’autres jeunes étaient à ce moment-là en stage, c’était comme une petite bande de potes.
N.R. De mon côté, l’intégration a été plus simple, Raph connaissait déjà tout le monde. Quand nous nous sommes assis à côté l'un de l'autre, nous avons tout de suite sympathisé. Et pour nous faire des potes, nous réfléchissions à plein de petites techniques comme mettre de la musique dans l’open space ou adopter un poisson. Il y avait même un compte Insta @Klaus, en hommage au poisson dans American Dad.
R.S. Les gens nous confondaient très souvent, même encore aujourd’hui. Alors qu’on ne se ressemble absolument pas.
N.R. Un moment, on nous appelait même Tic et Tac...
La pub attire-t-elle encore les jeunes ?
N.R. Si je n’avais pas fait de pub, je serais quand même allé dans un domaine créatif. Rien à voir, mais je me suis découvert une passion pour la scénographie lorsque j’étais à Disney avec ma mère et ma sœur. Quand je regardais les pubs à la télé, souvent, je me demandais comment je les aurais réalisées.
R.S. Quand j’étais jeune, je n’arrivais pas à m’imaginer la structure d’une agence, ni comment elle fonctionnait en interne. Je l’ai découvert en stage. À l’école, on te montre les briefs, la partie créative, mais tout ce qui est structurel, les différents métiers, tu apprends sur le tas.
Un an après votre arrivée au sein de l’agence, l’affaire Baptiste Clinet suivie de la vague #Metoo a éclaté, comment l’avez-vous vécu ?
R.S. Nous avons vu tous les départs que cette affaire a entraînés, toutes les personnes concernées sont parties et même davantage, car certains ne voulaient pas être associés à cette affaire. De notre côté, nous avons fait le pari de rester. Paul a repris les rênes de la création, et malgré ces moments difficiles, nous nous sommes positionnés sur pas mal de compétitions et ça a marché. Depuis, l’agence a sorti la tête de l’eau, tout a été rebâti de zéro – sous-entendu, les comportements de l’époque n'ont plus cours et ne sont plus acceptables. Nous sommes fiers de bosser à l'agence et du tournant qu’elle a pris. Ce prix en témoigne.
Concrètement, qu’est-ce que l’agence a mis en place ?
R.S. Un CSE a été mis en place dont nous sommes membres.
N.R. Une charte de travail également. Il s’agit de la charte d’origine, avec plusieurs ajouts.
Vous êtes sur des projets actuellement ?
R.S. On bosse pas mal sur Prime Video d’Amazon via la plateforme TikTok. C’est marrant, tout à l’heure on parlait d’être à la page et, forcément, on a dû se mettre sur ce réseau. Il y a toujours un risque de taper à coté en investissant TikTok avec une marque.
N.R. C’est dur à comprendre, même si on a 24 et 25 ans, ce n'est pas l’outil avec lequel on se sent le plus à l’aise. Joris et Hugo, un team qui a deux ans de moins que nous, ont réalisé un boulot de dingue pour la série «Cités», entièrement réalisée et produite sur Tik Tok. La série a d’ailleurs reçu trois T sur Télérama. Ils seront le team créa de l’année 2022 !
Y a-t-il une campagne qui vous a marqués ?
N.R. « Wombstories » de Bodyform. En tant qu’homme, c’est un film que j’aurais aimé faire. C’est un bijou, tant en termes de DA, de musique, elle colle parfaitement et le message est bien amené. Au lieu de voir des femmes souriantes, ce film montre enfin tous les mauvais côtés des règles. Il change des films d’avant où les femmes pouvaient courir avec une serviette, toutes souriantes, et où le sang était bleu. Il montre la réalité.
R.S. Il y a aussi le film de la SNCF « Hexagonal ». Je trouve qu’il est très réussi. Leur signature « on est pas carré, on est hexagonal », venant de la SNCF c’est assez drôle. Ils assument leur côté imparfait. Nous étions étonnés de voir qu’il s’agissait d’un film Publicis, nous pensions tous que c’était Rosapark…
On compare souvent les teams créas à des couples. Comment fait-on pour garder cette étincelle créative ?
N.R. Il faut être voisins (rires) ! Pendant le confinement, nous n’avons pas ressenti cette distance car tous les matins je marchais trois minutes, je prenais des pains au chocolat et j’allais chez Raphaël pour bosser. Mais c’est aussi important d’avoir une coupure avec le travail.
R.S. L’inspiration peut venir d’autre part. Nous nous voyions souvent après le travail, ce week-end nous partons en festival ensemble. Nous sommes partis en vacances aussi. Aller au resto, c’est l'un de nos secrets. Nous n'y parlons pas du tout de travail mais il nous arrive d’avoir un éclair de génie. Avoir une bonne entente avec l’agence dans laquelle on se trouve, ça aide aussi, évidemment.
Les autres teams nommés
Margaux Ferrand et Julie Cointy (Artefact 3000)
Noémie Matter et Léa Trabelsi (We Are Social)