Prix Stratégies des jeunes créatifs
Basile Protat et Émile d’Orsay, en team depuis bientôt deux ans chez 84.Paris, remportent l'édition 2020 du Prix Stratégies des jeunes créatifs. Un duo tout en humilité.

Difficile de repérer l’entrée de l’agence, située dans la rue de la Forge-Royale. En revanche l'intérieur, dans un style new-yorkais branché, ne passe pas inaperçu. « C’était un ancien bar ici », introduisent les deux créatifs Basile Protat et Émile d’Orsay, gagnants de la 21ème édition du Prix Stratégies des jeunes créatifs 2020. Malgré leur jeune âge, 25 et 26 ans, ils ne semblent pas intimidés. Hormis le prix Instagram remporté pour leur campagne « La Relève » avec Deezer, il s’agit de leur première récompense. « Concrètement, au niveau professionnel, nous ne savons pas quel impact cela aura, mais c’est plutôt positif que notre travail soit reconnu », avance Basile Protat. Il fut un temps où ils rêvaient de statuettes et de Lions jusqu’à ce qu’ils comprennent la mécanique qui se cache derrière. Et forcément, c’est moins sexy. Plus terre-à-terre que paillettes, ils disent lire tous les commentaires via Instagram pour se faire une idée – plus cohérente avec la réalité – de ce que les gens pensent. Et éviter l’entre-soi. 

Rencontrés sur les bancs de l’école Iscom, une fois leur master en communication et création numérique en poche, les deux créatifs embarquent en Chine pour une expérience professionnelle de deux ans chez FF Shanghai. Une formation en demi-teinte sur laquelle ils ne s'attarderont pas. Sur place, ils font la rencontre de Swan, un créatif de Montréal qui leur a communiqué une liste de personnes à contacter dont 84.Paris. Les jumeaux Bienaimé, cofondateurs de l’agence indépendante, leur donnent une chance, sans mise à l’épreuve. « Dans un mois, ça fera deux ans que nous sommes chez 84 », avance Basile Protat, « le 17 octobre exactement », rectifie Émile d’Orsay. Ces deux-là font la paire. L’un se démarque par sa réserve quand l’autre adore communiquer. Ils partagent en revanche un humour pointu, avec plein de références issues de la culture geek.

Messagers de l'ombre

« À peine arrivés chez 84, nous avons perdu le premier appel d’offres sur lequel nous étions mobilisés. Mais il en fallait plus pour nous arrêter. Même chose du côté de l’agence, puisqu’elle nous a gardés », explique Basile Protat. Une attente qui sera récompensée. Peu de temps après arrive leur premier gros projet avec Citeo, une entreprise spécialisée dans le recyclage, pour laquelle ils ont été renouvelés l’année suivante avec une seconde saison. Et en ce moment ils sont sur deux gros projets : Bumble, un client que l’agence a récemment gagné et Greenpeace, avec qui ils ont déjà travaillé sur la campagne « The Dark Side ». Dans leur portfolio de projets, ceux à destination des grandes causes sont nombreux. Seraient-ils des activistes de l’ombre ? « Nous sommes bien évidemment conscients de ce qui se passe en dehors, mais il faut aussi se mettre un peu en retrait, nous ne sommes pas des militants. Ce n’est pas avec une campagne qu’on va se racheter », coupe court Émile d’Orsay. Certains devraient en prendre de la graine. 

Loin des fausses idéologies, ils avouent aussi ne pas prendre le pouls de l'industrie publicitaire. Ironique pour de futurs pubards. « Personnellement, je ne regarde pas trop la pub, j’ai peur qu’elle nous cannibalise », avance Émile d’Orsay. « Nos amis qui baignent dans ce milieu connaissent les relations entre agences, qui fait quoi, leur parcours… Connaître le parcours exact d’Alexandre Hervé ou d'un autre directeur de la création, on s’en fout un peu non ? », réfléchit tout haut Basile Protat. Ce sens des réalités dans un milieu où l’outrance est le maître mot, ne fait que forcer l’admiration. D’ailleurs, à la question de la campagne qui les a marqués cette année, ils remontent le temps et citent un film de 2016 : « Puppy Monkey Baby ». « Il n’y avait clairement pas de budget pour ce film mais il reste culte. Pour nous en tout cas », commence Émile d’Orsay, « enfin, nous avons quand même suivi les campagnes d’Intermarché, qui étaient très bien », termine, sourire en coin, Basile Protat. Il en va de même pour les campagnes d’annonceurs post-confinement dont ils pensent qu’elles ont plus brillé par leur opportunisme que leur créativité. « Nous aurions été mal à l’aise qu’une grande marque nous demande de communiquer en temps de Covid », indique Émile d’Orsay. 

Fans d'eau

Et s’ils n’avaient pas été dans la pub ? « Je serais devenu vétérinaire ou alors j’aurais choisi un métier dans l’eau, j’ai une grande fascination pour les sauveteurs », lance très sérieusement Basile Protat. « J’aurais été aquascaper », renchérit Émile d'Orsay. À la vue de l’incompréhension de l’assemblée, il poursuit : « Ce sont des gens qui construisent des petits aquariums, ça vient du Japon. Sinon, je me serais spécialisé dans l’e-sport », conclut Émile d'Orsay. Et dans cinq ans, ils se voient comment ? « Qu'on soit toujours potes déjà », répondent-ils en chœur. « Je ne sais pas si cela se voit mais on kiffe ce que l’on fait. Nous partageons la même vision. Les mauvais exemples nous nourrissent, pareil pour les mauvaises pubs. On affine nos choix et nos préférences à partir de ce que l’on n'aime pas. Mais attention, nous avons fait nous aussi des erreurs et nous en referons sûrement encore », tempère Basile Protat. Dans la lignée de cette génération en accord avec ses idéaux – autrement dit les millennials –, ces deux-là savent ce qu’ils veulent. « Lors d’entretiens, lorsque nous montrons notre portfolio et qu’on nous fait la remarque sur notre manque de “patte”, c’est très expéditif. Nous savons que cette agence n'est pas faite pour nous. Nous ne possédons pas de style a proprement parler et il serait un peu trop prétentieux voire trop personnel de l’insérer dans des publicités pour des annonceurs », traduit le team. Des créatifs de l'ombre, mais dont les travaux risquent de briller. 

Les autres teams nommés

Jules Rhety et Eva Sgarro (BETC)

Maxime Mahistre et Hugo Venutier (Brandstation)

Yvonnick Le Bruchec et Thibault Picot (Buzzman)

Nathaniel Benitah et Yacine Hamza (Jésus & Gabriel) 

Laura Aondio et Francesca Vitello (Marcel) 

Morgane Bour et Lisa Grosjean (Steve)

Léo Lamarre et Martin Fauveder (We Are Social)



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