Au risque de choquer les âmes sensibles, ces trois mots – vendre plus cher – résument à eux seuls ce que l'on est en droit d'attendre de la publicité. Vendre plus cher c'est, d'abord et avant tout, vendre. Il était de bon ton avec l'avènement de l'Internet d'entretenir un doute quant à l'efficacité de la publicité dite traditionnelle et d'opposer ROI à image de marque. On en est revenu.
La publicité est l'outil le plus efficace et le plus économique pour assurer les ventes d'un produit ou d'un service de large diffusion. Il faut le dire et le répéter, encore faut-il savoir s'en servir. Il m'a été donné il y a peu de rencontrer une entreprise dont la direction venait de couper tout investissement publicitaire.
Pourquoi? Parce que la campagne n'avait eu aucun effet sur les ventes. Les films représentaient un concentré remarquable de ce qu'il faut faire pour garantir un échec. Un cas d'école. Il ne viendrait pourtant à l'idée de personne de décréter, après avoir mis de l'essence dans un diesel, que la voiture n'est pas un bon moyen de locomotion.
Quant à Internet, remettons les choses en perspective: c'est devenu un média à part entière au même titre que les autres, avec ses règles propres et ses contraintes. Et les marques du digital les plus ambitieuses n'hésitent plus à investir les médias dit traditionnels, et tout particulièrement la télévision.
Cette remise en question plus ou moins avouée quant à l'efficacité réelle de la publicité reste pourtant d'actualité. Pour preuve ? L'importance croissante des investissements à caractère promotionnel au détriment de la marque et de sa raison d'être, la multiplication des formats courts aux dépens de l'attachement et de la connivence, l'émiettement des investissements media dans la confusion entre présence à l'esprit et présence dans le temps, la baisse encore de l'investissement sur la production alors que la compétitivité est indissociable des valeurs d'exécution, l'usage excessif des tests qui donnent bonne conscience et font oublier le simple bon sens.
Bref, une perte de confiance dans la capacité d'une publicité à bouleverser l'ordre établi, une perte de confiance qui se fait à l'encontre de la prise de risques – le risque, ce ferment essentiel à tout succès marquant.
Mais encore plus que vendre, c'est la capacité à vendre plus cher qui est la preuve de l'efficacité publicitaire. L'homme qui avait fait de Tylenol le paracétamol le plus vendu d'Amérique avait coutume de résumer sa stratégie en deux points: 1) augmenter le prix de 20% et 2) investir ces 20% en publicité. Trop simple? Caricatural? Diablement efficace en tout cas: Tylenol s'est imposé durablement comme la grande marque populaire d'antalgiques aux Etats-Unis.
Prenez toutes les marques leaders, elles sont quasi systématiquement plus chères, souvent même avec des écarts de prix que d'aucuns pourraient juger excessifs. Cette capacité à supporter un prix supérieur fonde toute la dynamique d'une marque, sa capacité à investir pour maintenir son avance et sa compétitivité, à accélérer quand cela va bien, à résister quand la concurrence se déchaîne, à se remettre de ses erreurs, à rebondir dès que l'innovation se présente, à élargir son champ de compétence. Et c'est tout aussi valable pour les marques low cost.
A l'inverse, une marque qui ne parvient pas à se vendre plus chère est une marque fragile, instable, à la merci des soubresauts de son marché, trop dépendante d'artifices promotionnels pour assurer sa survie face à la pression de la concurrence.
On sait bien que le produit à lui seul ne justifie pas toujours le différentiel. Parfois oui, parfois non. La seule chose qui soit certaine, c'est que la qualité sera plus sûrement au rendez-vous car elle est devient un enjeu vital. La deuxième chose qui est tout aussi certaine est ce lien mystérieux qu'une marque parvient à tisser avec ses consommateurs, cet attachement qui va au-delà du rationnel et qui fait de la différence de prix un signifiant incontestable de la supériorité.
On dit que l'amour rend aveugle. Mais pour aimer il faut d'abord être séduit, séduit par le talent, l'intelligence, la beauté, l'esprit, la drôlerie, l'impertinence, le souffle, l'épaisseur que diffuse une marque. Elle vaut son prix, bien au-delà du produit, car tant de générosité et de créativité dans la durée ne peuvent être que le fait d'une marque sûre d'elle, sûre de son produit.
Croire en la publicité. Les grandes campagnes sont sans exception le fait d'un annonceur qui porte une vision de sa marque, qui a le courage de cette vision et croit en la publicité pour l'imposer. Avoir en face de soi un interlocuteur qui s'est forgé cette conviction profonde et qui, contre vents et marées, s'applique à la mettre en œuvre est toujours pour un publicitaire la chose la plus motivante et la plus enthousiasmante qui soit.