La forme en dit souvent autant que le fond. C'est en effet la forme que nous utilisons pour convaincre l'autre. Ce mode de communication se retranscrit par la combinaison des trois styles que nous avons à notre disposition comme êtres humains pour interagir: le style autoritaire (faites...), le style négociateur (trouvons un compromis) ou le style sublimant (l'affectif, "la France...", comme dirait le général de Gaulle). Naturellement, sans toujours nous en rendre compte, nous conjuguons ces trois styles pour créer notre propre mode de communication ou bien, cachant notre jeu, nous utilisons un style pour un autre afin de mieux faire avancer nos idées. Comment ces trois styles sont-ils combinés par les candidats à l'élection présidentielle?

Le candidat Nicolas Sarkozy nous a montré dans le passé qu'il était un homme de négociation: la réforme des retraites, des universités, furent des exemples réussis de changement par la négociation. Mais son tempérament est autoritaire; il avance, les autres n'ont qu'à suivre. Il est convaincu d'être le meilleur, sa parole est claire, le regard est porté loin devant. Mais seulement le regard, car la parole n'a rien d'affectif ni de prophétique. «Pour une France forte» pourrait être un slogan de campagne sublimant! Mais nous nous apercevons vite que cette force ne réside pas dans son pouvoir attractif, sublimant, de par les valeurs défendues. "La France forte" est ici entendue dans son rapport de force avec les autres pays. L'homme a trop souffert dans la crise financière passée, d'avoir dû plier face à l'Allemagne, il pense qu'il faut restaurer le rapport de force. Et il a probablement raison.

Le candidat François Hollande est certainement un homme de caractère, peut-être même un homme autoritaire, mais c'est un homme élevé au biberon des conseils généraux, où tout se négocie, et du PS, où il faut composer avec les éléphants. Il le sait, et toute sa campagne est là pour accréditer qu'il est autoritaire: «Le changement, c'est maintenant», même Nicolas Sarkozy n'aurait pas osé être aussi comminatoire. Autoritaire par nécessité, négociateur par nature, il n'arrive pas à entraîner les Français dans un projet plus grand qu'eux-mêmes, à leur proposer un projet sublimant.

Le candidat François Bayrou est un cas d'école. Sans troupe, sans réel parti, il est obligé de prôner l'union nationale, et qu'est-ce que l'union nationale, si ce n'est la quintessence du compromis? Seulement, les Français le sentent: il y a une communication paradoxale derrière le fait que son programme est sans doute le plus volontariste, mais que, sa liberté de manœuvre étant nulle, il s'en remet au compromis pour gouverner. La cohabitation ne peut tenir lieu de projet, et le retour à l'équilibre des comptes, de sublimation.

Il reste nos deux troublions de l'extrême droite et de l'extrême gauche, et là tout les rapproche. Voilà des campagnes utilisant le même style sublimatoire: le peuple, la classe ouvrière. L'affect servi par un art oratoire certain: tout y est. Mais comme toute communication de sublimation, elle enferme. Quand on ne fait pas partie de la famille, on se sent exclu, et la communication de sublimation, utile pour fédérer autour d'un projet, doit s'ouvrir pour ne pas laisser les non-adeptes sur le bord de la route.

Alors qui remportera la course? A l'heure où les courbes des sondages se croisent, notamment au niveau des deux favoris, nul ne peut répondre. L'autoritarisme de Hollande sera-t-il convaincant? La sublimation mise en scène par Sarkozy pour sa dernière ligne droite sera-t-elle suffisamment crédible? La fin de campagne devrait quoi qu'il en soit porter sur les thèmes régaliens. Au total, ces trois styles de communication sont bien présents dans la campagne: l'autoritarisme témoigne du désir et du caractère, la négociation, de l'art de la mise en œuvre et la sublimation, de la vision. Les trois sont indispensables pour gagner, mais ils sont encore bien mal dosés. Le premier qui y arrivera gagnera.

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