Les clients sont-ils vraiment des grands méchants loups? Les agences vont-elles réellement jusqu'au bout de leurs convictions? Depuis notre départ de l'ADC [Association Design Communication], motivé très précisément par un conflit majeur avec d'autres agences sur une compétition non rémunérée dont nous étions sortis, le sujet reste donc plus que jamais d'actualité!
C'est vrai que la période de crise est propice au grand n'importe quoi: une grande marque automobile a lancé depuis début 2011 deux consultations internationales sur deux sujets stratégiques pour finalement n'en développer aucun... Le tout avec des «indemnités» ridicules au regard des enjeux et du temps passé.
Mais nous avons aussi réussi à convaincre une grande marque internationale de loisirs et un grand réseau européen de mode d'indemniser leurs consultations et mieux encore d'accepter que les agences rencontrent leurs directions en amont des consultations et non à la fin, sans que cela provoque des difficultés insurmontables.
Il y a trois ans, nous étions encore à l'ADC et nous avons été moteur pour sortir le livre blanc sur les consultations. Ce petit manifeste venait conclure un travail collectif pour s'appuyer sur des arguments simples, évidents et de bon sens qui allaient plus loin que l'indemnisation. Comment mener une consultation sérieuse? Clarifier le budget à gagner? Combien d'agences et connaissance du nom des compétiteurs? Pourquoi une indemnité et à quel niveau? Combien coûte une compétition pour une agence (l'ADC a les chiffres: 60 000 euros en retail)?
Mais il y avait un hic: sa promotion restait à la charge de chaque agence et je crois deviner que sa diffusion est restée très confidentielle, pour ne pas dire inexistante. Pourtant, le livre blanc fait une bonne partie du travail de pédagogie et d'argumentation, je l'ai personnellement expérimenté avec les directions des achats dans l'automobile, les télécoms, les banques et les assurances.
On n'obtient pas toujours raison immédiatement mais, si on se tient aux règles du jeu que l'on a nous-mêmes annoncées et si on agit en conséquence au risque de se retirer, on finit le plus souvent par être rappelé et par avoir gain de cause. Il nous arrive régulièrement d'être finalement «repêché», avec une vraie indemnité, et du coup d'en sortir en bien meilleure position.
Donc, à qui la faute? Je crois plus que jamais que la balle est dans notre camp et moins dans celui du «grand méchant client». En étant disciplinés et clairs dès le départ, nous ne leur donnerons plus l'occasion de penser que le design, c'est comme la publicité, c'est-à-dire faire travailler les agences à découvert. «Parce que je le vaux bien.»