Quel sens donner au comportement des annonceurs qui s'affranchissent de plus en plus souvent des bonnes pratiques et dictent leurs propres règles du jeu pour les mises en compétition? Est-ce par opportunisme face à des agences soumises à la dure loi du marché ou par mépris du travail de création et de l'investissement réalisé par les agences? Parmi les difficultés trop souvent rencontrées: les incohérences entre la demande du client et ses besoins réels, avec au total, un projet final qui n'a plus rien à voir, et beaucoup de temps et d'argent perdus pour tous. Et que dire des décisions qui tardent, se reportent et qui ne donnent lieu, au final, à aucun projet?
L'appel d'offres de référencement de La Poste vient d'illustrer de façon tout à fait significative cette tendance. Il serait injuste de stigmatiser un annonceur alors que bien d'autres n'hésitent pas à s'engager dans des démarches similaires. Mais alors que beaucoup se contentaient de ne pas rémunérer les compétitions, multipliant le nombre d'agences en lice, un nouveau pas est franchi: il faut maintenant faire une compétition, pour avoir le droit... d'être en compétition. Comprenez: un référencement de 15 agences, chaque agence devant plancher sur 3 projets complets, mais néanmoins fictifs, sans aucune rémunération et sans garantie autre que d'être mis en compétition par l'annonceur dans le futur. Un rapide calcul d'environ 20 000 euros engagés par agence fait grimper la note à près de 300 000 € pour les agences, sans compter le travail des prestataires.
Certains annonceurs auraient tort de se gêner puisque les agences rechignent, discutent entre elles, mais au final, vont quand même répondre à ce référencement. Rares sont celles qui déclinent l'offre. Mais quel est le choix réel pour les agences? Qui peut renoncer? Celles qui travaillent déjà avec l'annonceur et que la contestation pourrait définitivement écarter? Celles qui n'ont d'autres choix que d'accepter, avec tous les risques économiques que cela induit?
Dans un contexte économique déjà très tendu, les agences sont dans une situation intenable, où elles creusent leur propre tombe. Le modèle économique des agences repose avant tout sur leur capacité à créer de la valeur ajoutée et à la vendre. La richesse de création des agences françaises a toujours reposé sur une grande diversité d'enseignes, petites et grandes agences, profils variés, qui font l'intérêt et la richesse des compétitions, et dont les annonceurs se félicitent. Est-ce ce système que l'on veut voir disparaître?
Aujourd'hui, les agences ne veulent plus, ne peuvent plus accepter de telles conditions. Le rôle de leurs associations professionnelles est de dénoncer de telles pratiques. La solution est très simple: en 2011, l'UDA, l'AACC et l'Anaé ont rédigé conjointement un Guide de la relation entre l'annonceur et l'agence-conseil en communication événementielle. Un guide qui définit des règles simples et précises de collaboration entre les agences et annonceurs. L'Anaé et l'AACC sont déterminées à faire respecter ces bonnes règles et à dénoncer les abus manifestes. La saisie du médiateur interentreprises au ministère du Budget permettra, nous le souhaitons très sincèrement, à chaque partie de prendre conscience de ses responsabilités.