Je trouve que Xavier de Cuverville et Edouard Rencker ont raison de reposer le problème de la défiance vis-à-vis des discours des marques, et donc des entreprises (cf. Stratégies n°1664 du 2 février 2012). Les entreprises sont jugées ni transparentes, ni sincères, ni fiables, ni même crédibles. A qui la faute? Où est le bug?
Deux causes semblent être à l'origine de cette défiance. En premier lieu, la défiance peut exister vis-à-vis du discours des entreprises ou des marques à la suite de défaillances concrètes de produits, parfois très graves, qui jettent un discrédit évident sur les discours de marques. Le Mediator et les prothèses mammaires en sont des exemples récents.
La deuxième cause est la plus importante. Pendant des années, on a pensé qu'une innovation moyenne pouvait être sauvée par la publicité ou la communication. «Il faut faire rêver les citoyens»... C'est bien le rôle de la communication que de «faire rêver», n'est-ce pas... Mais à force de vendre du rêve, on finit par vendre des salades sans s'en rendre compte.
Conséquences: déception sur le produit qui ne remplit pas sa promesse et mise en cause de la communication et des communicants. De mensonges en demi-mensonges et en demi-vérités, le citoyen est ainsi devenu aujourd'hui suspicieux à l'égard des émetteurs de messages.
S'il y a scepticisme généralisé face au discours des marques ou des entreprises, c'est souvent parce qu'il faut exagérer les pseudo-qualités d'une innovation «faible». Les aspirateurs Dyson, les montres Swatch, les boulangeries Paul, Apple bien sûr, McDonald's et autres Picard n'ont pas besoin d'exagérer leurs qualités par la communication: leurs produits parlent d'eux mêmes.
Le design, lien entre le citoyen et l'entreprise
La sincérité et la confiance viendront de la qualité de l'innovation et donc du design et du «design thinking». Nous sommes entrés, depuis 1990, dans ce que Pascal Lainé appelle «le commerce des apparences». Le discours des apparences est devenu la norme des discours en général.
Tel est l'un des grands défis des ces années: faire de très bons produits en priorité, pour pouvoir faire de grandes campagnes, non pas créatives (ce n'est plus le sujet) mais qui soient d'abord «intéressantes» pour le citoyen. La «pauvreté» de la campagne Iphone d'Apple, ou celle de Dyson, ne les empêche pas d'être très intéressantes et utiles pour le citoyen, car l'innovation est pensée, imaginée et réfléchie pour pouvoir supporter un discours de sincérité positive, et innovant.
Et si le design devenait la communication du futur? Seuls les designers, ou l'esprit design à l'origine de ces innovations, sont capables de recréer un lien fort et confiant entre le citoyen et l'entreprise.
Si l'innovation est conçue pour soutenir un discours sincère, alors les consommateurs achèteront des produits performants, bien pensés, et la confiance entre le message de l'entreprise et le consommateur sera à nouveau au rendez-vous. Ce n'est pas Steve Jobs qui dirait le contraire. Le design s'inscrit dans la vague de sincérité dont les citoyens ont besoin.