81% des Français estiment que la priorité est de faire un pays de bien-logés, plutôt que de propriétaires.

Il y a dix jours, Nicolas Sarkozy présentait sa mesure choc contre la crise du logement: augmenter le droit à construire de 30% pour les maisons et immeubles afin de faire baisser «naturellement» les prix. La semaine dernière, la Fondation Abbé-Pierre dévoilait son contrat social pour une nouvelle politique du logement, signé par les candidats à la présidentielle  François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et Philippe Poutou, les engageant à produire des logements accessibles conformément aux besoins, réguler les marchés, réduire les injustices sociales (conditions de vie indignes...), augmenter la solidarité en faveur des plus défavorisés et construire une ville durable (renforcer la loi SRU, favoriser la mixité urbaine...).

Que veulent de leur côté les Français? Selon un sondage Ipsos pour le réseau immobilier Orpi du 21 janvier 2012, l'accession à la propriété est la priorité, en matière de logement, de 39% d'entre eux. C'est même celle de 48% des 25-34 ans et 46% des 35-44 ans. Mais, d'après une enquête du même institut pour Nexity datant de septembre 2011, le logement n'est que la neuvième priorité des Français, loin derrière le trio emploi, santé, pouvoir d'achat. Cette enquête montre même que 81% des Français pensent que l'objectif prioritaire pour les années à venir est de faire de la France un pays de bien-logés, 18% seulement pensant qu'elle doit être un pays de propriétaires.

La propriété, une priorité pas prioritaire? C'est ce que pense Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre: si les Français désirent encore posséder leur logement, ils sont en train de voir leur rêve devenir «inaccessible» en raison des prix trop élevés.
Les Français, qui sont tout même près de 58% à posséder leur résidence principale, selon l'Insee, sont inquiets pour les autres, leur entourage ou leurs enfants. 78% d'entre eux considèrent qu'il n'est pas facile de se loger aujourd'hui (33% d'entre eux, que c'est très difficile), surtout lorsqu'on est un étudiant (80% des Français le pensent), un jeune actif (72%), une famille (69%), ou un senior (54%). 76% sont pessimistes pour l'avenir et pensent que la génération qui les suivra connaîtra une situation pire que la leur.

Les annonces récentes peuvent-elles apaiser leurs craintes? L'assouplissement des règles de construction en matière de logement est la priorité de 13% des Français... Mais les Français sont 60 % à ne pas faire confiance à l’État (et encore moins, à 79%, aux promoteurs immobiliers) pour rendre la ville plus agréable. Sur leur commune, ils sont nombreux à préconiser la régulation du marché, comme le propose la Fondation Abbé-Pierre: 59 % d'entre eux estiment que la solution à la crise réside dans la limite de la hausse des prix des loyers (44% dans la limite de la hausse des prix à l'achat). Enfin, toujours au niveau local, ils sont 80% à souhaiter que de nouveaux programmes soient engagés pour construire des logements d'urgence aux plus démunis, 78% pour des logements sociaux, et 78% pour des biens en accession à la propriété.

 

Parole d'expert

 

«D'une société compassionnelle à une société de solidarité»

 

Patrick Doutreligne, délégué général de la fondation Abbé Pierre

 

"Ces études montrent que le problème du logement est devenu celui de nombreux Français. Même les bien-logés connaissent un jeune, un senior, un couple qui se sépare, qui est confronté à un marché très cher. Elles montrent aussi que si l'accession à la propriété reste un rêve pour les Français, il est en train de devenir inaccessible, parce que le logement est trop cher. C'est moins la priorité aujourd'hui. Et la crise nous a fait passer d'une société compassionnelle à une société de solidarité. Un Français sur deux craint d'être un jour à la rue: c'est irrationnel, mais cela témoigne d'une sensation de proximité avec les personnes en situation précaire, et a créé un désir de solidarité."

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