Le verdict est sans appel. Les Français ne sont plus qu'un gros tiers (37%) à croire au discours institutionnel des entreprises (soit une baisse de 8 points par rapport à l'édition 2010 de l'Observatoire de l'authenticité Occurrence/Makheia Group). La confiance dans sa propre entreprise se dégrade également: moins d'une personne sur deux (48%, -5 points).

 

Tous les aspects de la communication sont touchés : le développement durable convainc de moins en moins (27% seulement de crédit), la communication financière également (55% de méfiants). Au total, les entreprises sont jugées ni transparentes (seulement par 12% des Français), ni sincères (17%), ni fiables (25%), ni même crédibles (33%).

 

Question dès lors essentielle: comment éviter une diabolisation des métiers de communicants (tant en entreprises qu'en agences), les Français les jugeant responsables de ce qui leur paraît une stratégie délibérée, organisée et permanente de manipulation? Ces résultats sont-ils révélateurs de trop de communication ou de pas assez? La communication est-elle trop dans la forme, pas assez sur le fond? Trop dans la gestion de l'instant et pas assez inscrite dans la durée? La fonction communication intervient-elle trop en aval dans l'entreprise et pas assez en amont?

 

Il nous semble indispensable de s'interroger sur le statut de la fonction communication au sein de l'entreprise. La problématique de méfiance, voire de défiance, par rapport à leurs discours, renvoie en fait à la question du sens. Il semble fréquent que le sens global et profond de l'action de l'entreprise, non pas ce qu'elle fait (quoi), mais pour quoi elle le fait, ne soit pas suffisamment perçu et jugé approprié par le plus grand nombre, y compris au sein de l'entreprise.

 

De ce fait, ses publics internes et externes ne croient pas à ce qu'elle dit, parce qu'ils ne comprennent pas véritablement ses intentions. Dès 1973, Peter Drucker déclarait: «La plus importante raison de frustration et d'échecs dans les entreprises, provient d'une réflexion insuffisante sur leur mission.»

 

Dans l'action de l'entreprise, le produit est une condition, et la marque, qu'elle soit entreprise ou employeur, voire commerciale, est porteuse de l'intention. C'est le rôle des communicants, en tant qu'administrateurs de la marque, de travailler avec les pilotes de l'entreprise pour exprimer le sens de l'action. Ils doivent conduire un exercice collectif et itératif, consistant à remonter la chaîne des intentions de l'entreprise, pour valoriser ce qui au fond est sa raison d'être et son véritable sens.

 

Il s'agit de remonter à la source, parce que l'action humaine est toujours guidée par une intention «grande et belle» à son origine, mais qu'elle peut parfois «se perdre en route» dans des actes contradictoires, du fait d'un contexte concurrentiel difficile et d'une conjoncture économique trouble. Ainsi, le temps faisant son œuvre, on comprend toujours «à peu près» ce que fait l'entreprise ou la marque, mais le risque est que l'on ne sache plus très bien pourquoi elle le fait.

 

Pour être confiant dans une action -quelle qu'elle soit-, on ne peut se limiter à son contenu, on doit en comprendre le sens. La communication doit donc avoir pour préoccupation de synchroniser sans cesse les publics internes et externes sur le «pour quoi» de l'entreprise ou de la marque particulièrement dans «un monde qui change».

 

Les communicants doivent agir en amont dans l'entreprise, en poussant les dirigeants à se poser les questions essentielles sur l'intention, le sens, pour que le discours qu'ils mettent en œuvre permette d'établir durablement la relation avec «l'autre», que ce soit en interne ou en externe, dans la confiance.

 

La méfiance révélée par l'Observatoire de l'authenticité 2011 est également un signal qui appelle à une refonte des processus de réflexions stratégiques déployés, notamment, dans les agences. Il nous semble vital d'intégrer la notion d'authenticité ou d'acceptabilité (qui ne se proclame pas, mais se mesure) dans les processus d'analyse des marques, de simplifier les dispositifs de prise de parole des entreprises (par exemple, en séparant les registres du réel, les faits et les chiffres, et de l'imaginaire, les territoires symboliques) et enfin, de redonner la primauté au(x) contenu(s) sur les discours.

 

Il existe en effet un vrai risque de voir les métiers de la communication glisser du statut d'objet annexe à un genre nuisible, alors que les entreprises ont, plus que jamais, besoin de médiateurs.

 

Ces résultats annoncent, donc, finalement, une bonne nouvelle pour la fonction communication, qui doit s'employer à exprimer le sens et pas simplement gérer des effets d'annonces ponctuelles. C'est ce qui doit être l'essentiel de son action au sein de la direction de l'entreprise. C'est ce qui en refera un «genre utile».

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