J'ai un métier passionnant: accompagner les marques, les créer, les conseiller. Mais je suis aussi un père, un citoyen, ça me permet de garder les pieds sur terre. A mon sens, les marques ne sont ni déesses ni boucs émissaires, elles sont elles aussi des personnes.

La marque est une personne sensée. La marque naît du désir de ses géniteurs. Elle grandit, écrit sa propre histoire. Elle peut vivre des heures de gloire, se tromper, vieillir et même mourir. Le design dessine son âme, son squelette et son enveloppe corporelle, avec un enjeu clé dans sa quête de pérennité: le sens. Pour se réinventer, la marque doit dire toujours la même chose, mais toujours différemment. Un exercice de souplesse, entre ADN et actualité. Louis Vuitton ancre ainsi son monogramme légendaire dans l'univers manga de Murakami pour une rencontre fructueuse, sans perdre son essence.

Comme une personne, la marque doit s'affirmer pour ne pas se perdre. Elle peut oublier d'où elle vient, jouer à être une autre, vouloir satisfaire tout le monde: les plus grands dangers! S'assumer, c'est jongler avec ses fans et ses détracteurs. Si Starbucks a mené à bien son évolution identitaire, la métamorphose gratuite Helvetica de Gap a poussé la marque à faire machine arrière.

Comme une personne, la marque fait des rencontres. Elle provoque des coups de foudre, tombe en désamour. Ma fille, qui porte des chaussures Nike, a aujourd'hui pour marque préférée Domyos. Pourquoi ? Parce que Domyos est synonyme pour elle de divertissement et d'épanouissement, une rencontre quotidienne entre ma fille, son trampoline et ses amies.

Comme une personne, la marque vit en société. Telle une éponge, elle absorbe et diffuse des grandes thématiques sociales… et privilégie celles qui lui tiennent à cœur. En 2011, Chrysler s'est relocalisé à Detroit, représentant un nouveau souffle industriel pour sa ville d'origine.

Comme une personne, la marque agit avec pudeur sur des terrains extérieurs. Quand elle s'aventure hors de sa sphère commerciale, la discrétion est de rigueur. La fondation Ronald Mc Donald pour les familles des enfants hospitalisés ne fait pas entrer des icônes de marques dans les hôpitaux.

A l'encontre des règles de vie en société, les marques sont inégales en droits et devoirs. A la différence des personnes, les marques ne naissent pas libres et égales en droits. C'est leur marché qui définit le poids de leurs droits et devoirs. Beauté, santé, spiritueux, carburants, secteur bancaire, elles ne sont pas toutes nées sous la même étoile.

La marque n'est pas une personne comme les autres, elle peut être immortelle. A la différence d'une personne, elle a le pouvoir de renaître, et peut même être immortelle: Solex, soixante-six ans, morte et ressuscitée, Michelin cent vingt-trois ans, Moët & Chandon deux cent soixante-neuf ans, Bénédictine cinq cent deux ans. Mais la marque n'est pas un Dieu. Ses dieux sont ses publics, car s'ils ont le pouvoir de lui faire traverser les époques, ou ils peuvent aussi la malmener en tant que citoyens ou de la sanctionner en tant que consommateurs. Une vie aussi durable que fragile…

Les grandes marques, grands hommes ou célébrités éphémères ? Au même titre que les grands hommes, certaines grandes marques changent nos vies. Si beaucoup disent révolutionner le monde, les grandes marques sont celles qui agissent avant de parler. Apple fait, Apple dit. L'innovation reste son levier principal d'adoration. Si la pomme d'amour suscite aujourd'hui une vénération de la génération Y, qu'en sera-t-il demain si ses promesses d'innovation s'amoindrissent?

L'avenir appartient aux marques qui designent tôt !

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