Selon Médiamétrie, près de 12 millions de téléspectateurs ont répondu, jeudi 27 octobre, à l'invitation du président de la République, qui avait décidé, pour la deuxième fois de son mandat, de s'adresser directement aux Français. Beaucoup ont vu l'occasion pour le chef de l'État, confronté à un record d'impopularité, de «représidentialiser» son image pour mieux entrer en campagne, sans le dire, face à celui qui sera son adversaire.
C'est en réalité moins son image que sa réputation que le probable candidat de la droite voulait gérer dans cet exercice bien formaté, diffusé simultanément sur TF1 et France 2. Car il le sait: compte tenu des faibles marges de manœuvres que les contraintes économiques feront peser sur le futur président, l'élection présidentielle se jouera moins sur les programmes que sur les personnalités.
Alors, quand l'un, François Hollande, champion des sondages, opte pour la stratégie de l'image, l'autre, Nicolas Sarkozy, choisit la stratégie de la réputation.
Il faut dire que la stratégie de l'image n'a pas particulièrement réussi à l'actuel locataire de l'Élysée. Rolex au poignet et Ray-Ban sur le nez, du Fouquet's au yacht de Vincent Bolloré, les signaux avaient été émis suffisamment forts pour que le bouclier fiscal le consacre «président des riches».
Ayant tiré un trait sur sa période «bling-bling», Nicolas Sarkozy, désormais austère, a, par deux fois dans le cours de l'interview, dénoncé «la maladie qui consiste à vouloir absolument se faire aimer, ne penser qu'à son image et ne pas faire son devoir». Le message est clair: quand l'un promet de «réenchanter le rêve français», l'autre répète qu'il «fait le job» et «assume totalement sa fonction de président de la République en faisant fi de son image ou des sondages».
Mais pour faire fi de son image, il faut une solide réputation! Le mot image vient du latin «imago», qui désignait les masques mortuaires dans la Rome antique. Étymologiquement, l'image figure donc le portrait d'un mort, une image arrêtée et sublimée pour offrir une flatteuse représentation de la vérité. Le mot réputation qui vient aussi du latin, «reputatio», qui signifie évaluation. Littéralement, la réputation est une appréciation de la valeur d'un homme, au regard de normes – points de vues, comportements – jugées socialement acceptables, respectables, voire remarquables.
Le XXe siècle, marqué par la prédominance de la publicité, a instauré le primat de l'image. La notion de réputation, moins glamour, ne retrouve que progressivement droit de cité, à la faveur des réseaux sociaux qui redonnent de l'importance à la parole et au comportement. Car si image et réputation sont également des représentations mentales, des opinions que l'on se forme, l'image se façonne avec des postures et des slogans quand la réputation se construit avec des actes.
Regrettant sans doute de ne pas être aimé, le président sortant mise sur son action et sur son sens du devoir régulièrement mis à l'épreuve des crises pour se faire apprécier des Français. Faisant sienne la formule d'André Gide, il leur dit: «Pour moi, être aimé n'est rien, c'est être préféré que je désire.»
À l'opposé, le candidat socialiste, qui n'a jamais occupé de fonctions gouvernementales et peut difficilement capitaliser sur les hauts faits qu'il aurait accomplis comme premier secrétaire de son parti, a redessiné sa silhouette et fait son possible pour se défaire d'une image peu porteuse. Sa nouvelle image sera-t-elle assez puissante pour «lever une espérance», comme le souhaite Manuel Valls, député-maire d'Évry?
L'élection présidentielle consacre la rencontre d'un prétendant à la fonction suprême avec son destin. Malgré sa mauvaise image, Nicolas Sarkozy peut-il compter sur sa réputation établie à naviguer par gros temps pour assurer sa réélection? François Hollande saura-t-il compenser par son image son manque de réputation d'homme d'État? Comment répondront les électeurs à cette question de confiance, au moment solennel du vote? Image, réputation, quelle aura été la stratégie gagnante? Réponse en mai 2012!