La posture muette et "tout sourire" de DSK à son retour en France et la frénésie médiatique qui l'a accompagné ont soulevé une vague de critiques et un sentiment de malaise. Quand " l'information" fait le jeu de la communication.

«Que les médias s'expliquent, nous expliquent, ou alors, honte à eux!» Dans une tribune parue dans Le Monde du 7 septembre, trois jours après le retour en France de DSK et de son épouse, Anne Sinclair, après que le procureur américain a décidé de lever les charges qui pesait contre lui sans pour autant l'innocenter, l'avocate Gisèle Halimi, figure de la défense des droits de la femme, ne cache pas sa colère: «Les médias français et leurs décideurs sont-ils sourds, aveugles à l'exigence d'une dignité des femmes? On pourrait le croire, dans le flot d'images et de commentaires complaisants ou neutres, mais jamais défavorables, qui nous a été asséné depuis hier pour signaler l'“événement” du week-end: le retour de Dominique Strauss-Kahn à Paris.»

Le New York Times du 4 septembre ironisait d'ailleurs sur cet accueil par la presse digne du pape!

Pour ceux qui ont raté les images, retenons les plus fortes: DSK tout sourire, aux côtés de sa femme radieuse, poussant son chariot de valises à Roissy (escorté d'Anne Hommel sa conseillère en communication d'Euro RSCG), DSK en berline, vitres teintées, escorté tel un président par des motards… de presse, DSK accueilli par une horde de journalistes et de badauds place des Vosges, DSK refermant la porte de son immeuble, puis saluant une caméra installée dans la cour intérieure.

Dès lundi, Danièle Ohayon, journaliste média à France Info notait que «cette médiatisation avait provoqué une vague de critiques, y compris au sein de la presse elle-même… et beaucoup de reproches, de la part des éditorialistes et des internautes», évoquant notamment l'article sur le site du Point, «DSK, le retour dérangeant», relayant la parole de  ses lecteurs, «bassinés, gavés»... 


A qui la faute? 

Le sociologue François Jost s'inquiétait, lui, «d'une sorte de glissement des reporters vers la logique des paparazzis : il faut être là, mais il ne s'agit plus d'informer véritablement. Les images étaient vides. Elles ne nous apprennent rien de ce que nous ne savions déjà : Strauss-Kahn arrive à l'aéroport, avec une valise, et il rentre chez lui.»

 «Les médias en font-ils trop dans l'affaire DSK? Est-ce vraiment leur faute… Ou est-ce le silence de l'intéressé?», se demandait Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L'Express dans son édito-vidéo. «On connaissait l'horaire du vol, on croyait qu'il allait parler. Tout a été fait pour exciter les médias. En gardant le silence, il a créé l'attente jusqu'à son domicile, l'audiovisuel ne pouvait pas rater l'image et la presse ses propos», explique-t-il à Stratégies. Il va plus loin: «Le retour de DSK est une opération de communication – les sourires, la décontraction – visant à faire croire aux Français qu'il ne s'est rien passé à New York. C'est une démarche égoïste. DSK ne se préoccupe ni du PS ni de la France, et ne songe qu'à redresser son image.»

«DSK sous-estime l'impact dans l'opinion qui se sent doublement trahie: l'image de la France a été dégradé par cette affaire et il comptait sur lui comme président pour sortir de la crise, poursuit Christophe Barbier. Cette double blessure, ce n'est pas la communication qui la guérira.». Sur le site du Nouvel Obs, Serge Raffy renchérit: «En enfermant DSK dans la logique du star system, ses proches lui font commettre une sérieuse faute de goût. Jusqu'au dégoût ?»

En juillet dernier, 80% des Français considéraient que les médias parlaient trop de DSK, selon Ipsos. Fin août, ils étaient un majorité (BVA) à ne pas vouloir le voir jouer un rôle politique. Sa prise de parole annoncée d'ici quinze jours va pourtant continuer à alimenter le suspens. Cathy Leitus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Parole d'expert:Stéphane Rozès, politologue et président du cabinet CAP

 

«Une faute de communication»

«Le retour de DSK a été une opération de communication visant à faire croire aux Français qu'il rentrait de vacances comme s'il ne s'était rien passé. Mais cette communication "tout sourire" est une erreur et une faute. C'est la marque d'une désinvolture à l'égard de la "dimension spirituelle" du politique. Ses communicants n'ont rien compris à l'imaginaire collectif français, qui veut que la politique soit au-dessus des hommes. Le sujet, ce n'est plus le Sofitel. Bon nombre de Français ont été soulagés pour DSK de l'abandon des charges, mais ils attendaient dès son retour des explications - un acte de contrition - sur les comportements de celui qui avait leur confiance pour devenir président et, à l'évidence, a placé son confort personnel avant ses responsabilités.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.