En 1969, Georges Perec écrivait un roman intitulé La Disparition. Joignant la forme au fond, il écrivit l'ensemble de l'ouvrage sans utiliser une seule fois la lettre «e», ce qui en français n'est pas banal.
Aujourd'hui, lorsqu'un responsable marketing ou communication pense au digital, il ne pense que «e». E-commerce en l'occurrence. Et c'est là un profond malentendu. L'e-commerce ne pèse que 5% des achats en France. Ce que le digital peut apporter à la distribution en termes d'impact massif, ce n'est pas uniquement un nouveau point de vente sur le «territoire Internet», mais aussi et surtout la géolocalisation et l'intégration.
En attendant que la télévision rejoigne la famille des médias numériques, ce qui est maintenant pour très bientôt, ceux-ci sont déjà devenus des médias de masse. Google, Facebook, You Tube, Dailymotion ont des audiences quotidiennes largement comparables ou supérieures à celle du prime-time. Avec une légère différence: tout ce qui existe sur Internet est géolocalisé. Tout achat de bannière, de mot-clé, de publicité vidéo, d'e-mail peut être acheté ou personnalisé avec une précision géographique de l'ordre du pâté de maisons. Il est aujourd'hui presque plus compliqué de géolocaliser sur Internet mobile que sur Internet.
Tout distributeur peut aujourd'hui monter des campagnes allant chercher avec précision des zones de chalandise, avec en bonus le fait que ces campagnes peuvent inclure des mécanismes d'information ou de promotion eux aussi facilement géolocalisés. Si les performances de Nice et Toulouse sont en retard, on peut facilement et rapidement y mettre des moyens moteurs et créer une opération de création de trafic.
La puissance de l'imprimé sans adresse (ISA), sans la logistique, avec l'agilité en plus: on pourrait presque croire que les médias digitaux ont été pensés pour la distribution tant ils sont adaptés à la problématique de création de trafic en point de vente.
L'analogie simpliste serait de dire que l'e-mail remplacera l'ISA. En réalité, c'est l'ensemble des moyens publicitaires sur Internet qui peuvent s'inscrire soit en complément, soit en alternative à l'ISA. Là où un ISA seul génère un trafic en point de vente physique à un coût de 2,5 euros en moyenne, des campagnes digitales de création de trafic en magasin réduisent ce coût de 40%, à 1,5 euro, voire de 60%, si l'on organise un couplage entre ISA et digital. Au moment où la distribution cherche tous les moyens pour faire venir des gens en magasin, c'est une opportunité à ne pas ignorer… Surtout lorsqu'on sait que chaque jour, près de 8 millions de personnes font du shopping en ligne en France et se forgent un avis sur ce qu'ils vont acheter et où, ou comment, ils vont l'acheter.
L'intégration est un autre thème central. Je ne parle pas du concept de communication «360» qui fait office de cache-misère pour l'absence de stratégie réellement intégrée où chaque canal joue un rôle dans la performance globale. Je parle de la véritable intégration, celle du consommateur. Car l'acheteur, lui, intègre parfaitement digital et réseau physique. Il aperçoit un produit en magasin, va sur Internet pour en savoir plus et chercher différentes alternatives, puis retourne en point de vente pour l'acheter. Ou, alors, il le découvre en ligne, fait la même analyse, puis achète en ligne. Ou encore il le découvre en ligne et le veut tout de suite et donc l'achète en magasin.
Bref, le point de vente et le site sont complémentaires. Chaque distributeur ayant un site de vente en ligne prenant le temps de l'analyse sait que, pour une vente en ligne, le site génère aussi une vente en magasin.
Ce qu'on sait moins, c'est que près de 30% des ventes en ligne résultent d'une visite précédant l'achat en magasin. Le magasin physique a des vertus qu'Internet n'a pas et réciproquement. Le consommateur le sait et s'est organisé en conséquence. Les distributeurs ne peuvent plus ignorer cette nouvelle réalité, surtout dans une époque où plus d'un Français sur quatre se promène avec Internet dans sa poche.
Avec leur nouveau statut de média de masse agile, riches en données et géolocalisés, les nouveaux médias sont une opportunité phénoménale à court-terme pour la distribution, et l'e-commerce n'est que la toute petite partie émergée de l'iceberg. Le savoir-faire, la culture de performance analytique du Web et la masse des audiences se sont rejoints, il était temps que les distributeurs puissent en profiter.