Faut-il en rire ou en pleurer? Saisi par une chaîne de télévision, le Conseil supérieur de l'audiovisuel vient d'intimer l'ordre aux médias audiovisuels de cesser de nommer les réseaux sociaux, au motif qu'il s'agit de publicité (interdite sur les ondes en dehors des plages à cet effet). Exit donc les «Retrouvez-nous sur Facebook» ou les «Réagissez sur Twitter avec le @1214info». Et place à: «Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux» ou «Réagissez sur les réseaux sociaux».

 

Cette décision, perçue comme archaïque et totalement décalée, a très vite fait le buzz, suscitant d'autant plus d'incompréhension et de colère qu'elle survient juste après l'E-G8 qui a acté un consensus clair: il est indispensable de cesser de légiférer sans avoir au préalable pris le temps de réfléchir et de comprendre les courants à l'œuvre.

 

S'il s'agissait de faire parler de lui, le CSA a réussi. Réussi aussi à démontrer par l'absurde que le monde audiovisuel vit dans une bulle, hors de la réalité des médias du XXIe siècle. Et que le cadre législatif dont le CSA est le gardien est aujourd'hui coupé du réel.

 

Car, pour son propre malheur, cette décision de l'autorité de régulation est malheureusement logique. Les réseaux sociaux sont en effet des services de sociétés privées, des marques, et les citer relève effectivement de la publicité, le caractère d'intérêt général qu'on voudrait donner aux réseaux sociaux n'étant pas reconnu par la loi. Le CSA est donc dans son droit, ce qui n'interdit pas de penser qu'il a manqué une magnifique occasion de réinterpréter ses textes et de faire preuve d'un peu de créativité.

 

Encore une occasion manquée

À quelques exceptions près, les chaînes de télévision sont elles aussi des entreprises privées, ce qui ne les empêche pas de se citer mutuellement, comme elles citent tous les médias «traditionnels». Le CSA avait donc une opportunité: reconnaître aux réseaux sociaux la qualité de média. Il n'a pas osé le faire et démontre ainsi qu'il n'a rien compris à la société de l'information du XXIe siècle.

 

Cette occasion manquée de prouver sa pertinence sur Internet devient presque risible si l'on se souvient qu'il y a quelques mois le CSA a tenté en vain de se faire attribuer des prérogatives sur le Net. Non seulement cette décision le ridiculise auprès des internautes, mais elle justifie qu'on lui refuse la légitimité d'élargir son périmètre.

 

Il y avait pourtant un moyen très simple d'éviter cette déroute: interroger le Conseil national du numérique. Mais le CSA s'en est bien gardé. Encore une autre occasion manquée. Cela commence à en faire beaucoup. Trop, même.

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