La qualité d'une identité visuelle en général, et d'un symbole en particulier, est directement liée à sa capacité à bien vieillir. Les identités visuelles d'entreprises les plus réussies, les marques les plus fortes ont, me semble-t-il, en commun de vieillir sans prendre une ride. Il est curieux que les professionnels du design ne mesurent pas mieux, ou plus souvent, cette caractéristique essentielle d'une identité de marque.
On dit souvent que tout ce qui a trait au graphisme, aux couleurs et aux formes, est subjectif et que, par conséquent, le goût des clients changera nécessairement avec le temps et justifiera, un jour ou l'autre, un changement du «logo», du symbole de la marque concernée. C'est faux.
Des emblèmes intemporels
Premier exemple. Celui du drapeau national, véritable «identité visuelle» d'un pays. Ceux du Japon, des États-Unis ou de la Grande-Bretagne sont bien des identités visuelles, littéralement intemporelles et qui réussissent à être perpétuellement à la mode! En dehors des périodes de révolutions, qui entreprennent presque toujours de changer radicalement l'identité du pays (comme ce fut le cas en 1917 pour le drapeau russe), il ne viendrait à l'esprit de personne de modifier ou de «moderniser» un emblème aussi connu et reconnu.
Pourquoi? Sans doute parce que ces images-là sont assez remarquablement simples et géométriques pour ne pas donner prise au temps et aux modes. Et, surtout, parce que l'image associée à ces identités évolue avec le temps, avec les changement réels du pays et, donc, ne vieillit pas.
Ce dernier point résume à mon sens tout le sujet: une identité visuelle ne doit pas chercher à être dans l'air du temps, au risque de vite passer de mode. Ce n'est pas son rôle. Ce qui rend une marque actuelle et vivante, ce sont ses produits, ses services, ses équipes et ses prises de position, pas son logo!
Deuxième exemple. Des marques anciennes, parmi les plus prestigieuses, qui ont atteint une forme d'éternité: General Electric, Coca-Cola (plus de 100 ans), Mercedes-Benz, BMW ou Rolls-Royce, mais aussi Chanel, Dior, Guerlain (plus ou moins 50 ans).
Qui dirait qu'elles sont «démodées»? Au contraire, elles détiennent une grande supériorité en termes de crédibilité et de respectabilité, de ce point de vue purement graphique en tout cas.
Elles semblent faire partie du paysage depuis toujours, et pourtant leurs logos, leurs symboles ont été modifiés: mais ils l'ont été légèrement, subtilement, sans ruptures, affinés au fil des ans par petites touches imperceptibles.
Un «air du temps» trompeur
Prenons maintenant des exemples a contrario. On peut citer des entreprises qui ont changé radicalement leurs identités de marque, parfois de manière justifiée quand leur logo d'origine n'avait ni la qualité ni la notoriété nécessaires pour être conservé en l'état. GDF et Suez l'illustrent parfaitement
Mais on connaît malheureusement aussi trop de cas de très belles marques qui avaient à la fois en elles le potentiel et la légitimité et ont été très mal inspirées de modifier leur identité! SNCF et EDF en sont deux exemples frappants. On peut parier que leurs identités seront condamnées en moins de quinze ans, car elles ont été conçues avec le seul objectif d'être dans l'air du temps et de tenter de prouver une forme de modernité, voire de séduction, par l'usage de codes tout justes bons à être utilisés par des produits de grande consommation (qui, sauf rarissimes exceptions, n'ont pas d'autre objet que de séduire un consommateur volatile).
Une identité visuelle n'a pas ce rôle ni cette prétention: elle doit être l'expression, le symbole d'une marque dans ce qu'elle a de plus pérenne, de plus stable, de plus rassurant et authentique. C'est sans doute ce que n'arrivent pas à comprendre certaines entreprises et leurs conseillers, graphistes ou agences de design, qui croient nécessaire et utile de redessiner leurs logos tous les dix ans. Au final, ceux-ci se trompent de solution en faisant plus de tort que de bien aux marques.