Si plus des deux tiers des Chinois sont pauvres, le tiers restant, composé surtout de la classe moyenne et des «nouveaux riches», a accès à un ordinateur, dispose de trois comptes en moyenne sur les réseaux sociaux et a bien sûr un téléphone mobile.
La Chine a la population la plus connectée au monde: 470 millions d'internautes (soit une pénétration de 35%, selon l'Internet Society of China), et chaque mois 5 millions de plus, en moyenne, et quelque 857 millions de mobinautes, dont 300 millions sont usagers de l'Internet mobile. Ils devraient être 600 millions d'ici 2015 (selon E-Marketer).
L'Internet chinois est social par essence: la cellule familiale basée sur l'enfant unique, la brutale et forte accélération de la migration vers les villes, et la solitude qui l'accompagne, expliquent la forte quête de socialisation en ligne, dernier espace garant de l'anonymat et d'une certaine liberté d'expression.
Les médias sociaux font donc florès, l'offre est riche et segmentée, et a connu depuis 2009 une réelle accélération, avec l'émergence du micro-blogging, en particulier de Sina Weibo, de la géolocalisation, avec une trentaine de services, des sites de vidéos, tels Youku, Tudou ou Ku 6, du e-commerce – en Chine, le phénomène des achats groupés a commencé bien avant que Groupon ne fasse fureur – et avec des approches plutôt originales: ventes «flash» de Smart/Mercedes et Geely, modèles exclusivement vendus en ligne, sur la plate-forme d'achat leader Taobao.
Bref, nous autres Occidentaux ne disposons de rien que les Chinois n'aient déjà. C'est un Internet à la fois semblable et différent; ils n'ont à nous envier que notre liberté.
Mais la fierté des Chinois est en mode croissance plus. S'ils aiment incontestablement les marques occidentales, ils commencent à apprécier ce qui se conçoit chez eux, et même le «no logo» fait de plus en plus d'adeptes. A cela s'ajoutent leur optimisme et leur confiance dans l'avenir, qui se traduisent aussi par leur offensive à l'exportation sur des segments de marché symboliques et/ou portés par des marques iconiques.
Le fabricant de chaussures et d'équipements de sports Li-Ning a installé il y a plus d'un an son siège américain à Portland, dans l'Oregon, «bastion» de Nike, qu'il nargue jusque dans son logo fleurant bon le «swoosh», et n'oublie pas de passer par la case sponsoring (NBA). Tencent, l'un des trois plus importants portails chinois, leader de la messagerie instantanée avec QQ et premier acteur chinois de l'industrie du jeu en ligne, s'installe aux Etats-Unis et procède à des rachats.
Combien de temps avant de relever chez nous les investissements médias de produits «made in China» dans les cosmétiques, l'électroménager ou les équipements sportifs?
Une récente étude Forbes Insights/World Federation of Advertisers révèle que 63% des annonceurs non chinois pensent qu'ils doivent changer les attributs fondamentaux de leur marques pour les consommateurs locaux.
Des marques comme Audi et BMW ont déjà apporté des changements majeurs pour séduire les «Affluents Chinese» qui sont conduits par leur chauffeur. Des groupes internationaux vont plus loin et financent des marques chinoises, telles Shanghai Tang ou Shang Xia, et une maison franco-chinoise crée Queelin, mêlant ainsi le meilleur des deux mondes.
Dans son livre As China Goes, so Goes the World: How Chinese Consumers are Transforming everything, Karl Gerth écrit que «probablement très bientôt, des marques et produits globaux seront déterminés par les goûts des consommateurs chinois».
Si nous ne comprenons pas le premier marché mondial, c'est une immense opportunité que nous ratons, et certainement un risque que nous prenons. Les Chinois se modernisent, ils ne s'occidentalisent pas. Et comme l'a dit Angela Ahrendts, CEO de Burberry: «Nous ne parlons peut-être pas chinois, mais nous avons un langage commun: le digital.» Let's connect!