Le 10 mai, l'événement a fait la une de nombreux quotidiens. «Tonton, le héros du PS» affiche ainsi en gros titres le gratuit Metro, qui rappelle que trente ans après sa première élection, tous les candidats à l'investiture socialiste se réclament de l'héritage Mitterrand.
Le Monde, qui publie le fac similé du journal paru au lendemain de la victoire de la gauche, titre dans le même numéro que «Le PS s'interroge sur l'électorat à conquérir»: classes moyennes ou populaires? En 2011, la mémoire du triomphe de François Mitterrand arrive en écho des aspirations de la gauche à sa propre unité et à ses chances de succès.
Une enquête Via Voice pour Libération en témoigne, c'est la stature d'homme d'Etat que plébiscitent les sympathisants de gauche, qui sont 85% à estimer que Mitterrand fut un «très bon» ou «un assez bon» président. Oublié le tournant de la rigueur de 1983 (4% seulement l'évoquent), on se souvient surtout de l'abolition de la peine de mort, de la cinquième semaine de congés payés, de la réconciliation avec l'Allemagne ou des 39 heures…
Tous mitterrandolâtres? «Il y a une certaine nostalgie, confirme Eric Bonnet, directeur d'études de BVA Opinion. Ils sont 60% à avoir une opinion positive de son bilan, contre 50% en 1994 et 35% en 1993.» Pourtant, le sondage «Les Français et François Mitterrand », réalisé les 6 et 7 mai par BVA pour 20 Minutes, montre qu'à la différence du général de Gaulle, sa popularité obéit à un clivage qui s'est accentué au fil des ans.
Alors que 36% des électeurs de droite avouaient avoir une bonne opinion de l'ancien chef d'Etat en 2005, ils ne sont plus que 25% aujourd'hui. Etienne Mougeotte, directeur de la rédaction du Figaro, ne s'y est pas trompé en fustigeant, dans un éditorial intitulé «Trop, c'est trop», le programme commun: «Ce fut un monument d'absurdité économique et même sociale.»
A l'inverse, avec 89% d'avis positifs à gauche contre 81% il y a six ans, «l'anti-mitterrandisme de gauche a quasiment disparu», estime Eric Bonnet. Ce dernier risque une explication: «Tout comme Sarkozy à l'occasion de la réforme des retraites, les leaders de gauche réactive la politisation de son image…»
Loin d'être une vieillerie pour nostalgiques du grand soir, l'héritage Mitterrand parle même aux plus jeunes. Ils sont 68% à juger positivement son bilan parmi les 15-24 ans, contre 54% chez les plus de cinquante ans. «L'opinion est encore plus positive chez ceux qui ne l'ont pas connu, ils ont tendance à l'idéaliser», poursuit Eric Bonnet.
Reste à savoir qui incarne le mieux cet héritage parmi les candidats aux primaires du PS. Selon BVA, pour 32% des personnes interrogées (et 37% à gauche), François Hollande est l'héritier le plus fidèle, contre 30% pour DSK, 18% pour Martine Aubry et 12% pour Ségolène Royal. La geste et la proximité mitterrandiennes de François Hollande s'opposent à l'image à la fois rocardienne et «bing-bling» du directeur général du FMI.
Dans le sondage Via Voice pour Libé sur le candidat souhaité par les sympathisants de gauche, Dominique Strauss-Kahn (39%) arrive devant Hollande (20%) et Royal (11%). Qui incarne alors le mieux l'héritage Mitterrand, interroge Harris Interactive? «Aucun» répondent d'abord 44% des Français… bien avant Hollande (15%) et DSK (14%).
Paul Quinio, directeur adjoint de la rédaction de Libération
François Mitterrand a laissé une très forte empreinte auprès des sympathisants de gauche. Les aspects négatifs, comme sa relation avec Bousquet, s'effacent avec le temps. On retient qu'il a marqué l'histoire et fait bouger la société, sur la peine de mort, la culture avec le prix unique du livre ou les médias avec les radios libres. Comme en 1981, il y a aujourd'hui une envie de gauche. Dominique Strauss-Kahn ressort comme étant le mieux placer pour succéder à Mitterrand, avec 56% d'opinions favorables, selon Via Voice, parce qu'il y a une recherche de compétences et que les gens ont intégré la mondialisation.»
