La presse anglo-saxonne de la communication qualifie volontiers le marché des relations publiques de «PR Industry». L'expression me laisse songeur… Pourrons-nous un jour qualifier «d'industrie» notre micromarché français? Alors que Syntec Conseil en relations publics vient de publier les résultats de son enquête annuelle, le doute est permis! Malgré une croissance régulière que seules ralentissent les crises qui secouent régulièrement notre économie, on ne peut clairement pas parler d'explosion du secteur.
En France, si l'évolution du chiffre d'affaires fait apparaître une progression de près de 3% en 2010 par rapport à 2009, la marge brute – seul indicateur valable pour rendre compte de la performance d'agences-conseils – accuse un recul de 1,3%.
De si petits chiffres peuvent sembler insignifiants. Avec un peu d'optimisme, on pourrait aller jusqu'à voir de la confiance chez les patrons d'agences puisque, dans le même temps, les effectifs ont crû de 8%, accompagnant une reprise de l'activité que tous s'accordent à constater.
Ces résultats m'inquiètent. Alors que les démarches de communication de nature relationnelle – pour ne pas tout ramener aux «relations avec les publics» – prennent chaque jour plus d'importance (avez-vous remarqué que la notion de réputation a ringardisé celle d'image de marque?), on ne peut se réjouir de voir l'activité progresser en volume (un peu) et régresser en valeur (même un peu, c'est déjà trop).
De crise en crise, la pression sur les honoraires se fait plus forte. Et par un funeste effet de cliquet, quand le marché repart à la hausse, c'est toujours plus en volume mais jamais autant en valeur. Ce qui est particulièrement pénalisant sur un marché où le modèle économique des opérateurs repose essentiellement sur la facturation du temps.
Si le revenu, à ce point dépendant du temps passé facturé, est sans cesse rogné, comment les artisans de la relation pourraient-ils un jour établir une «industrie», comme les publicitaires ont pu le faire, en leur temps?
Définir une chaîne des valeurs
Chaque médaille a son revers. En faisant porter la facturation sur la valeur ajoutée de conseil plutôt que sur la prestation technique, le modèle économique des agences de RP les conduit à fonctionner comme des professions libérales. De fait, chaque heure non facturée pèse sur le résultat, chaque heure «senior» détournée de missions à forte valeur ajoutée est gâchée.
S'accommoder d'une telle situation, c'est condamner les métiers de la relation à ne jamais avoir les moyens de recruter des collaborateurs dont le temps n'est pas directement facturable. Et donc, renoncer aux fonctions supports qui contribuent à la création de valeur, comme par exemple les planneurs stratégiques.
C'est surtout placer les agences en situation de (trop) recourir aux stagiaires, d'exiger beaucoup (trop) des collaborateurs, de laisser partir les talents. Les agences sont des entreprises. Mais comme 60% de leurs charges sont des charges de personnel, évidemment, c'est plus dur. On ne va tout de même pas délocaliser nos activités, si?
Parce que c'est sa mission, Syntec Conseil en relations publics a décidé de créer une commission Valorisation des prestations, c'est une démarche utile. Le groupe de travail vient de se constituer. Il va s'employer dans les mois qui viennent à démontrer comment les relations avec les publics participent à créer de la valeur pour les organisations. L'objectif est ambitieux: identifier et évaluer la valeur ajoutée sur chacune des activités pour définir une «chaîne de valeurs» des RP.
Au final, en écho aux autres métiers de la communication, il s'agit de faire entendre que la communication n'est pas une dépense mais un investissement. Puisque nos clients nous parlent toujours – à juste titre – de retour sur investissement, nous devons les aider à convaincre leur hiérarchie que celui-ci sera d'autant plus fort que le produit sera qualitatif.
On a toujours les agences qu'on mérite.