(...) Il nous faut changer! Changer car aujourd'hui, cet imprévisible est notre seul compagnon de route (...). Les prévisions, tant qu'elles étaient justes, ou du moins justifiables, nous ont fait croire avec une vraie arrogance que nous étions en mesure de maîtriser, de dominer notre environnement car nous étions convaincus de savoir ce qui allait arriver.
Aujourd'hui, force est de constater que ce bel édifice confortable et rassurant, si cher aux organismes de prévisions, s'est écroulé. Aujourd'hui, l'imprévisible implique que les entreprises, du management aux services marketing et à la communication, deviennent mobiles, réactives, apprennent à réfléchir vite. L'imprévisible implique «pas de temps» (...).
À l'heure où l'on n'a jamais autant parlé du principe de précaution et de responsabilité, les catastrophes arrivent les unes après les autres, sans frapper à la porte, de façon impolie, sans s'annoncer.
Alors surviennent les crises: financière, économique, BP, un petit volcan islandais empêche la terre de tourner durant plusieurs jours, Toyota a les freins qui lâchent, les déficits grandissent jusqu'à mettre des pays en quasi-faillite, le terrorisme a semé la panique dans les relations internationales depuis septembre 2001, l'Erika, AZF, la Société générale, les crashs d'avions chez Air France... Le directeur d'une maison de couture dit des choses affreuses, filmé par un mobile et diffusé sur Internet, un mort dans une chaîne de sandwicherie (qui n'est pas américaine), le Japon, le printemps arabe, les tablettes d'Apple mettent le marché des PC par terre. (...)
Nous sommes envahis de «cygnes noirs» comme le fait remarquer Nassim Nicholas Taleb: «On n'y croyait pas jusqu'à les découvrir en Australie et là, il a bien fallu y croire.» (...)
Nous (entreprises) ne roulons plus en limousine, sur des autoroutes en vitesse automatique, nous roulons sur des pistes pleines de pièges, avec des concurrents derrière nous, à côté, que nous voyons au dernier moment, avec des cartes incertaines. Nous sommes tous en train de faire le Paris-Dakar, c'est totalement différent. Tel est le «monde de l'imprévisible».
Les managers et cadres des entreprises vont devoir se transformer en Sébastien Loeb. Dans le Paris-Dakar, l'imprévu est à chaque seconde. Il faut analyser vite la situation, réfléchir vite aux scenarii possibles, sélectionner vite le meilleur, exécuter vite ce qui a été décidé. Il faut de l'audace, du courage, de l'intuition. Sébastien Loeb a une capacité exceptionnelle à lire la situation à 180°, c'est sa force principale. Avoir une capacité à analyser la situation, décider, dans l'instant.
Dans les entreprises, la concurrence se densifiant, les extérieurs de marchés ayant une incidence sur le business étant de plus en plus présents, le Paris-Dakar représente symboliquement ce qu'est notre nouvel enjeu. Nous ne pouvons plus compter sur la carte routière. Nous devons trouver notre chemin nous-mêmes.
Si «les cygnes noirs» vont se multiplier, les entreprises désormais doivent s'entraîner à affronter l'imprévu comme les sportifs s'entraînent à visualiser de nouvelles situations et changer de stratégies face à l'adversaire, durant le match. Que fait-on si un événement imprévu arrive?
La notion d'entraînement est fondamentale. Les entreprises ne perdront pas leur temps à se mettre volontairement dans des positions dangereuses pour constater leur capacité de réaction. On fait bien des «crash tests» pour les banques!
Comment changer efficacement, dans les temps, si on ne s'y est pas entraîné? Patrick Lagadec, directeur de recherche à l'École polytechnique, parle de création de «groupe de réflexion rapide» dans toutes les entreprises. Ce genre d'exercice simple est intéressant, car il force, dans un court laps de temps, à fabriquer des solutions. C'est dans des exercices de ce type que se développent l'agilité, la réactivité, la flexibilité.
C'est parce que nous réfléchirons en termes d'actions et non en termes de théories, que nous serons capables de fabriquer un autre mental, plus mobile, plus agile pour réfléchir différemment. «Ne craignons pas d'être lents, craignons d'être immobiles» (proverbe chinois).