Ce point de vue, pardon, ce «point d'oreille» est né d'un paradoxe curieux, plutôt agaçant et assez inexplicable. En lisant la presse, il n'y a pas une semaine où une marque ne fasse sa déclaration d'amour à la musique. On apprend ainsi régulièrement qu'une marque de mode va créer son label, qu'une autre organise un concert privé, se lance dans le sponsoring musical ou fait gagner le téléchargement d'une musique via Facebook…
Tout cela est évidemment très réjouissant, mais à l'ère des partenariats B to B, du «brand content», de l'«advertainment» et autre «endorsement»*, ne faudrait-il pas plutôt commencer par le commencement et optimiser déjà le choix et l'utilisation de sa musique de marque?
Avant de se disperser dans des opérations de marketing musical périphériques et souvent microcosmiques, la publicité audiovisuelle est bien encore le mode de communication dominant de nombreuses marques.
Et dans cette communication, il serait somme toute logique que la synchronisation – l'association la plus ancienne et la plus évidente entre musique et marque – en soit le pivot structurant, la clé de voûte du marketing musical bien pensé d'une marque. Y a-t-il preuve plus visible/audible et plus symbolique de cette fameuse relation/association fusionnelle tant recherchée que la bande-son des campagnes publicitaires?
Un peu à la manière de La Recette de l'amour fou de Serge Gainsbourg, voici quelques conseils quasi conjugaux pour connaître une liaison fructueuse.
Première étape: bien choisir l'élue. Cela paraît évident, mais alors pourquoi le choix entre une stratégie de recyclage d'un hit ou de révélation d'un titre dans l'air du temps semble souvent relever de l'arbitraire? Pourquoi choisir des chansons non attribuables qui se ressemblent toutes (exemple, l'archétype de la chanson «poppy folky happy» féminine)? Pourquoi jeter ainsi son dévolu sur de l'«actu» périssable, éphémère, interchangeable sans réel potentiel et qui ne laisse aucune trace dans la mémoire collective?
À l'inverse, pourquoi s'acharner à récupérer les sempiternels standards fédérateurs, reconnaissables, mémorisables, transgénérationnels, déclinables, mais multi-utilisés qui disent «happy», «feel good» ou «together»? Pourquoi envisager la musique au mauvais moment, soit trop tôt en amont, soit dans l'urgence à quelques jours de la date de diffusion?
Dans un second temps, il faut aussi valoriser votre partenaire. Pourquoi donc persister à sous-mixer certaines bandes-son? À quoi cela sert-il d'acheter souvent cher des musiques tapies, voire inaudibles, derrière une voix off prépondérante? Et plus si affinités, car il ne faut surtout ne pas s'arrêter en si bon chemin! Combien de marques se contentent de «speed dating» et de liaisons sans lendemain?
Une fois choisie la bonne musique, il faut s'investir dans la relation. À quoi cela rime d'être fier de sa musique et de ne pas le faire savoir et le revendiquer. Ainsi, il faut aider l'internaute à identifier la musique et son artiste, à la trouver sur Internet et à s'y intéresser. D'ailleurs, tout ce que vous ferez pour faire connaître et aimer votre musique ne pourra que bénéficier à la marque elle-même puisqu'elle a contribué à révéler un artiste.
Enfin, il faut capitaliser sur cette relation et construire un territoire musical distinctif. Pourquoi donc Bouygues Telecom a-t-il délaissé l'univers «blackerie/groove»? Avoir trouvé une musique qui vous ressemble, c'est bien, mais il faut ensuite pérenniser la relation à base de déclinaisons, réorchestrations ou investir de nouveau dans le même style musical. Vous vous créerez ainsi un territoire musical constitutif de votre identité qui vous apportera légitimité et crédibilité, les items les plus difficiles à obtenir quand on parie sur le variable musicale.
Commencer par bien choisir l'élue, la «bonne» musique qui va permettre à la marque de se démarquer, puis ensuite construire, dans la durée, une relation avec gestes et preuves d'amour, n'est-ce pas le b.a.-ba de la vie de couple?