Quelque chose est en train de changer dans le microcosme publicitaire: le président de l'Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam)[Sébastien Danet] ne s'est-il pas exclamé «le papier est de retour», disqualifiant en plein milieu du dernier Observatoire de l'OJD des générations de Cassandre. Il a salué la riposte courageuse des éditeurs, les stratégies volontaristes face aux prédictions les plus noires. Il a souligné le côté référentiel du média écrit et l'importance des contenus, pour réaffirmer la force du lien affectif du lecteur avec le print.
Merci, Président, de cette prise de parole hors «mainstream». Ces propos ont galvanisé plus d'un éditeur. Fasse que les autres patrons d'agences entendent le message et partagent cette prise de position. Que les annonceurs intègrent la pertinence des marques de presse dans leurs stratégies. Que les plates-formes print-digital ancrent les messages au-delà de l'éphémère.
Mais, au-delà du compliment, il y a l'avertissement. Pour surfer durablement sur un tel courant, dis-tu en substance, Président, les éditeurs et leurs régies doivent être au premier rang de la révolution des datas. Le propos est d'actualité: les annonceurs et leurs agences n'ont jamais eu autant besoin de datas pour nourrir leur CRM et maximiser leur ROI [retour sur investissement].
La presse est culturellement un média producteur de données lecteurs que les annonceurs et leurs agences utilisent à satiété depuis des décennies. Ne pouvant hier être aussi précise sur le contact que les médias synchrones comme la TV ou temporalisés comme le digital, la presse a toujours été d'une plus grande richesse d'informations sur ce qui fait la valeur de ses contacts: contenu, contexte, contrat de lecture, qualité des lecteurs. Aujourd'hui, la presse est très pointue sur le schéma de la diffusion et de l'audience qui caractérisent l'offre média, quand le numérique est orienté sur le schéma du parcours client, et donc plus «demand minded». Cette dialectique offre-demande touche l'ensemble des médias traditionnels.
Les éditeurs convertis aux datas
Devenus acteurs majeurs du digital, les éditeurs se tournent massivement vers cette nouvelle culture des «datas». Pour eux-mêmes tout d'abord, dans un but éditorial et pour leur propre CRM. Pour le print comme pour leurs extensions de marques. Leurs panels lecteurs sont également très sollicités par leurs régies publicitaires pour mieux comprendre leurs lecteurs et le lien qui les unit à leurs titres: les éditeurs ne vendent plus seulement des audiences mais des contributions de marques dans des plates-formes de communication. Contributions qu'ils mesurent par leurs datas en termes de fonctions médias, de schéma d'influences ou de publics.
Le «matching» de datas de marques annonceurs à marques médias est en cours. La vraie différence est que les «analytics» des moteurs ou portails sont des données quasi publiques quand les datas des éditeurs sont des données génétiques de chaque marque de presse et ne peuvent être galvaudées. Leur utilisation doit répondre à des organisations rigoureuses sous peine de dégradation de qualité de la donnée. Mais le dialogue est ouvert.
L'utilisation de ces datas peut être aussi collective pour mutualiser des questions d'intérêt général, et ne pas épuiser panélistes des titres et budgets des éditeurs à poser périodiquement des questions identiques. Ainsi avons-nous imaginé au sein du SPM de substituer aux banques de données collectives de mesure d'efficacité, l'organisation de mégapanels collectifs, cumuls de panels de titres structurés en famille/secteur, en one shot et sur demande, permettant des interrogations fondamentales sur le média, sa fonction, ses forces et sa réponse aux attentes lecteurs... La première interrogation porte ainsi sur les complémentarités print-digital. Demain, la réflexion pourra éventuellement s'ouvrir sur d'autres sujets en partenariat avec l'Udecam.
Appréhender l'audience des marques et des contenus
Quel rôle pour la mesure d'audience? Il est essentiel car plus les canaux de diffusion se multiplient, plus il est important de pouvoir appréhender l'audience des marques et des contenus. Globalement et par canal, en une nouvelle architecture. C'est tout l'esprit d'innovation incarné par One. Une enquête d'audience de référence définit le cadrage des datas et de la monétisation: celle-ci n'échappera pas à la règle, au contraire. Elle devrait permettre de mettre en phase tarifs et performances.
Si nous avons besoin d'une profondeur de douze mois pour étalonner parfaitement la première vague de cette étude, la réactivité sera de mise puisque les résultats devraient être trimestriels pour le marché, voire mensuels pour les éditeurs et leur propre marketing. L'étude recueillera l'audience print mais suivra aussi les lectures numériques en une même interview. Dans One, le «on-line» et le «off-line» se côtoient pour exprimer la force des marques de presse. Le comité de pilotage de l'étude réfléchit à des indicateurs nouveaux qui puissent exprimer la vitalité des titres. L'échantillon de 35 000 personnes sera une réelle banque de données que les utilisateurs devraient pouvoir «matcher» avec leurs propres bases.
Quant à la recherche d'une meilleure définition du contact et de sa temporalisation, elle est inscrite dans un programme de tests: nous pourrons alors saisir l'ensemble des contacts dans le temps, y compris les reprises en mains et les duplications par «device». Et enfin cesser de confondre lecteurs et lectures dans les mesures.
Bravo pour «le papier est de retour», merci pour l'appel à la révolution. Sous les datas, la plage?