55% des Français sont opposés à l'abandon du nucléaire, et 70% y sont… favorables

Nouvelle polémique autour des instituts d'études. Alors que le Japon est aux prises avec l'une des plus graves crises du nucléaire civil, la France, qui compte 58 réacteurs sur son sol, s'interroge sur une éventuelle remise en question de cette énergie. Le 21 mars, la publication de deux sondages sur le sujet (1), aux résultats diamétralement opposés, a provoqué un déluge de commentaires et de critiques dans les médias et sur le Net.

Le premier, commandé à TNS Sofres par EDF et publié par Les Échos, assure que 55% des Français sont opposés à l'abandon du nucléaire, 42% y étant favorables. Bien loin des chiffres circulant en Allemagne ou en Suisse, par exemple, comme le souligne le quotidien: 87% des Allemands et 77% des Suisses souhaitent un arrêt progressif des centrales. Or le second sondage, mené par l'Ifop pour le parti Europe Écologie-Les Verts, affiche un résultat tout à fait opposé, avec 70% de Français se déclarant favorables à la sortie du nucléaire. Un grand écart que n'ont pas manqué de commenter Les Verts, à commencer par leur secrétaire nationale, Cécile Duflot, qui a jugé, le jour même sur France Inter, «un peu trop gros» le sondage EDF au lendemain du relatif bon score des écologistes au premier tour des cantonales.

Question de formulation

En fait, comme toujours dans les sondages, chacun peut y trouver ce qu'il y cherche ou valider ce à quoi il est attaché. Tout dépend de la formulation des questions. En l'espèce, TNS Sofres et EDF ont pris soin de demander aux Français s'ils étaient favorables «à la demande des écologistes d'abandonner la production d'électricité nucléaire en France». Une nuance de taille. On peut en effet imaginer que les plus épidermiquement opposés aux «écolos» ont pu être davantage tentés de leur manifester leur hostilité que de se prononcer sur le fond de la question.

De leur côté, Les Verts et l'Ifop ont  opportunément préféré proposer dans leur sondage une option en faveur du nucléaire («Poursuivre le programme nucléaire») et deux contre («Arrêter rapidement le programme nucléaire» ou «Arrêter progressivement sur 25 ou 30 ans»). Or, il se trouve justement que près des trois quarts des personnes favorables à un arrêt de la production nucléaire (51% sur 70%) ont opté pour la seconde option, bien moins radicale – et plus réaliste. Europe Écologie-Les Verts ayant d'ailleurs lui-même toujours plaidé pour un référendum sur une sortie du nucléaire dans les 30 prochaines années. On notera que dans ce dernier sondage, une majorité des sympathisants de gauche (56% au PS et 65% au Front de gauche) sont pour une sortie à long terme, tout comme 50% des partisans du Modem et 53% du FN. À l'UMP, 55% souhaitent poursuivre le programme nucléaire.

Si les experts (lire ci-dessous) considèrent que la polémique n'a pas lieu d'être, l'opinion, elle, voit avant tout deux chiffres étonnamment contradictoires. L'association Agir pour l'environnement a d'ailleurs décidé de saisir la commission des sondages «afin de vérifier les méthodes utilisées par l'institut» TNS Sofres.

 

Parole d'expert

 

«Une mauvaise image du métier»

 

Jérôme Sainte-Marie, directeur général adjont de l'institut CSA

 

«Sur un sujet de ce genre où les gens ont des positions souvent contradictoires entre leurs aspirations et leurs intérêts, il est plus intéressant d'éclairer le sujet avec plusieurs questions simples et binaires plutôt qu'avec une seule offrant une solution intermédaire dans laquelle s'engouffre en général l'opinion, comme le fait le sondage d'Europe Écologie. Sinon, il n'est pas étonnant de ne pas obtenir les mêmes réponses quand les libellés sont totalement différents… Cela dit, il est vrai que le téléscopage de ces deux sondages donne une mauvaise image du métier. Mais les commentaires sont de la responsabilité des commanditaires.»

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