Les Français seraient-ils prêts à financer les musées et opéras, à verser leur obole pour des acquisitions d'œuvres d'art? En tout cas, les établissements concernés parient sur l'émergence d'un «mécénat populaire culturel», notamment auprès de Français habitués à investir dans des bonnes œuvres humanitaires. D'autant que les musées, théâtres et opéras ont vu leurs ressources traditionnelles diminuer, entre baisse des subventions publiques et transfert des budgets de mécénat des entreprises du culturel vers le social, crise oblige.
Le 25 novembre dernier, des acteurs du monde culturel (patrimoine, audiovisuel, musique, théâtre, etc.) se réunissaient pour une journée organisée par l'Association française des fundraisers. Le constat est sans appel: les établissements culturels devront adopter une véritable stratégie de marque (et donc se convertir au marketing) pour faire naître la philanthropie artistique chez les Français.
C'est ce que montre une étude réalisée par l'institut Opinion Way auprès de 1015 personnes les 16 et 17 novembre pour l'agence Excel, filiale du groupe TBWA France spécialisée en levées de fonds et en engagement sociétal. Les marques culturelles peinent à émerger: si le Louvre s'est largement imposé (cité par 63% des sondés), le musée d'Orsay, l'Olympia, le Zénith, les opéras et quelques musées parisiens bénéficient d'une notoriété plus fragile (cités en moyenne par 20%). Laquelle dégringole pour le Grand Palais (9%), le musée du Quai Branly (7%) et les grandes références patrimoniales comme la Comédie française, Versailles (3%) ou la tour Eiffel, citée par seulement 1% des personnes interrogées.
Jouer la proximité
Autre surprise, peu de Français se voient mécènes, sans doute parce que cette cause culturelle n'est pas perçue comme prioritaire à leurs yeux. Seuls 21% se disent prêts à faire un don pour un établissement culturel, alors que près de la moitié d'entre eux ont versé de l'argent à une association ou à une fondation au cours des douze derniers mois. Une proportion qui monte certes à 31% chez les personnes ayant fait un don à une association caritative. En clair, peu associent mécénat culturel et bonnes œuvres. Autre enjeu donc, convertir les habitués du don caritatif au don culturel.
Preuve que l'effet de notoriété d'un établissement joue peu, seuls 7% des sondés citent le prestige comme critère éventuel pour en devenir mécène, une large majorité (37%) citant la proximité: on préfère donner de l'argent à un établissement proche de chez soi, que l'on connaît et que l'on fréquente souvent. Pour récolter des fonds, par exemple lors de l'acquisition d'une œuvre, «les musées et opéras locaux auront donc tout intérêt à jouer la carte de la proximité géographique et affective», souligne Éric Dutertre, président de l'agence Excel.
En clair, les établissements culturels vont devoir montrer leur légitimité à recueillir des dons du grand public. Quitte à tester des opérations d'avant-garde, comme l'appel au mécénat individuel pour acquérir des œuvres. Vaste défi, «après des décennies de prise en charge par un État-providence, ou de quelques actions éclatantes de mécénat d'entreprises», souligne Excel dans son étude.
Parole d'expert
«L'appel au mécénat individuel, un outil de communication»
Éric Dutertre, président d'Excel
«Le mécénat populaire culturel est quelque chose de très nouveau. Il peut revêtir des formes innovantes telles que l'appel au mécénat individuel pour acquérir une œuvre. C'est ce qu'a fait cette année le musée du Louvre, pour acquérir Les Trois Grâces du peintre allemand Lucas Cranach l'Ancien. Il a mis 74 jours pour réunir 1 million d'euros. De même, le château de Compiègne a lancé un appel à mécénat populaire pour acquérir une tapisserie. Ce genre d'opération permet à un établissement culturel de communiquer, de se rendre visible, de créer du trafic dans ses expositions et recruter des donateurs.»