«C'est sans doute la plus belle opération de communication de la marque de lunettes haut de gamme Oakley, et paradoxalement la plus méconnue. Le 13 octobre débutait dans le désert d'Atacama, au Chili, le sauvetage des 33 mineurs bloqués à 600 m sous terre à la suite d'un éboulement. Après plus de deux mois d'obscurité forcée, les “héros” de San José retrouvaient la lumière du jour, équipés de verres de protection solaire de la marque américaine pour préserver leurs rétines. Sur la photo de groupe qui a fait le tour du monde, les 33 miraculés sourient, le regard dissimulé derrière ces verres teintés.»
Ce commentaire du Monde, le 26 octobre dernier, ne pouvait mieux résumer un événement qui passera certainement dans les annales des relations publiques. Comment Oakley, connue principalement des skieurs et des jeunes branchés, a-t-elle pu être la seule marque à avoir bénéficié d'une telle visibilité lors de cet événement suivi par plus d'un milliard de personnes dans le monde?
Tout a commencé lors des préparatifs du sauvetage. Le siège d'Oakley, en Californie, est contacté sur les recommandations d'un journaliste du Guardian et du Washington Post auquel s'était confié l'un des médecins de l'équipe des sauveteurs, à la recherche de lunettes extrêmement protectrices. Oakley n'hésite pas et fait fabriquer en urgence des lunettes avec les caractéristiques et spécificités attendues: entre autres, protéger les mineurs de la lumière, bien sûr, mais aussi leur permettre de reconnaître leurs proches (et les officiels!) facilement.
Retour sur investissement colossal
Fidèle à sa ligne de conduite en matière d'engagement citoyen, Oakley prend le parti de ne pas médiatiser cette action, par élégance peut-être, mais aussi, on peut le supposer, devant l'incertitude d'un sauvetage somme toute risqué.
Quatre jours après la réussite de cette opération diffusée en direct sur toute la planète, la marque sort simplement de son silence sur son site Internet, se félicitant du succès des secours. Un message très succinct mais se suffisant à lui-même.
Au total, le retour sur investissement a été colossal, et ce, pour un coût modique de 15 570 dollars (une paire de lunettes pour chacun des emmurés vivants ainsi qu'une paire pour le ministre chilien des Mines qui souhaitait en porter en signe de solidarité avec les mineurs):
– une visibilité du logo Oakley sur les lunettes, qui n'a pas échappé au milliard de personnes à travers le monde qui, la larme à l'œil, ont assisté en boucle pendant plusieurs heures, si ce n'est plusieurs jours, à la sortie des héros. Selon une étude réalisée par Front Row Analytics, le seul impact télévisuel a généré l'équivalent d'une campagne marketing de… 40 millions de dollars.
– un placement produit hors pair dans ce qui est considéré aujourd'hui comme l'un des événements phares de l'année 2010.
Au-delà, on ne peut que saluer la discrétion et le geste de la marque, qui n'a pas cherché à exploiter mercantilement les images et a laissé l'émotion à sa juste place. Une démarche intelligente de générosité, qui au final se révèle une très belle opération de RP, relayée non pas par Oakley elle-même mais par le buzz créé autour de l'événement. L'image de la marque en sort grandie, et même sublimée.
Donner un supplément d'âme aux marques, n'est-ce pas un des rôles essentiels de la communication RP produits bien au-delà d'un calcul du nombre de retombées presse? Un exemple à suivre pour bien des annonceurs.