L'épreuve du feu. Du 2 au 17 octobre, au Mondial de l'automobile, les voitures électriques vont sortir du garage. Chaque constructeur présentera sa petite dernière: Renault Fluence, Peugeot Ion, Bolloré Bluecar, Nissan Leaf, etc. Avec pour la première fois des indications concrètes: prix à l'achat, autonomie de la batterie et autre temps de charge.
Début janvier, un sondage publié par Opinion Way révélait que 59% des Français plaçaient le véhicule électrique en tête des technologies porteuses dans le futur. Restait à savoir le principal: ces mêmes Français sont-ils prêts à sortir leur carnet de chèques? «L'opinion publique est toujours bercée par le rêve proposé dans les publicités, comme celle de Renault diffusée en janvier, qui promettait un futur radieux mais n'évoquait pas du tout les contraintes réelles générées par cette nouvelle énergie», souligne Markus Gerlach, directeur du département études qualitatives d'Opinion Way.
Alors, si l'attrait pour la nouveauté est bien là («La Mercedes classe A électrique arrive enfin», s'enthousiasme Ecocarazur sur le blog voitureelectrique.net, «À tester rapidement», renchérit un autre internaute), le désenchantement commence aussi à poindre. D'abord par rapport au prix: pour la Nissan Leaf, un petit cross-over, il faut compter environ 25 000 euros (déduction faite de la prime gouvernementale de 5 000 euros). Contre 20 000 euros pour un véhicule à essence de cette gamme.
Cantonnée au rôle de second véhicule
Autre mauvaise nouvelle aux yeux des consommateurs, le choix fait par Renault-Nissan de louer la batterie à part. «Je trouve ce mode de commercialisation stupide. Soit Renault vend la totalité de la voiture, soit il la loue entièrement. Mais vendre une auto sans batterie et obliger l'acheteur à la louer, ça ne marchera jamais», assène Nouch sur le site cartech.fr.
Les Français sont plus ouverts à la location avec option d'achat (ou leasing) car cela permet de lisser les coûts, selon Markus Gerlach. À l'instar de ce que propose Peugeot avec la Ion, qui devrait coûter 499 euros par mois pendant cinq ans (soit un prix total de 30 000 euros). Enfin, les internautes réalisent au fur et à mesure les contraintes qui pèseront alors sur leur vie quotidienne. Car l'autre point noir de l'électrique est l'autonomie. Celle-ci dépasse rarement 150 ou 160 kilomètres, ce qui implique qu'il faudrait prévoir quatre pauses-recharges de 20 minutes pour faire un Paris-Bordeaux.
De l'avis des experts, la voiture devrait donc plutôt s'imposer comme deuxième véhicule réservé aux trajets en ville. Mais comment le recharger? Sur une borne rapide ou sur une prise électrique classique dans un garage (7 à 8 heures). Pas de souci pour le conducteur que l'on aperçoit dans les spots TV et qui gare sa voiture dans son pavillon tous les soirs. Jfcar, sur Cartech, ironise sur le paradoxe d'une voiture urbaine qu'il faut recharger sous son toit: «Est-ce qu'il va falloir que tout le monde vende son appartement pour acheter une maison?»
«Les Français sont refroidis par les contraintes»
Markus Gerlach, directeur du département études qualitatives d'Opinion Way
«L'opinion publique a bien compris que c'était la fin d'un modèle, causée par la fin des ressources pétrolières. L'électrique est considéré comme la première technologie méritant d'être développée dans le futur selon 59% des Français, devant l'hybride (56%), l'hydrogénique (45%) et loin devant le diesel (24%) et l'essence (11%). En revanche, dans les études de commercialisation que nous menons, les clients tombent des nues dès lors qu'on leur présente les nouvelles contraintes: prix élevé, autonomie réduite, temps de charge et gestion de la batterie. Ainsi, dans une récente enquête en Allemagne, alors que l'on était parti sur des critères très optimistes (400 km d'autonomie par véhicule et seulement 1 000 euros de surcoûts), l'adhésion pour l'électrique est tombée à seulement 10%.»