2,9 millions d'Américains ont regardé le premier épisode de la saison4 de Mad Men, meilleure série dramatique de l'année.
Don Draper fait lentement tourner un verre de whisky dans sa main. De l'autre, il tient le volant. Dans sa voiture, un couple d'auto-stoppeurs. « Quel est votre métier ? », lui demandent-ils. « Publicitaire », répond Draper. Gloussements du couple : « Pourtant, vous avez l'air sympa. » Veules, misogynes, racistes, vénaux... Noire peinture que celle des publicitaires de la série Mad Men (diffusée en France sur Canal+). Pourtant, les téléspectateurs et les professionnels de la télévision (et de la publicité !) sont tombés amoureux des hommes en Brooks Brothers de Madison Avenue : le 30 août dernier, le feuilleton de la chaîne AMC a tout raflé aux derniers Emmy Awards, la grand-messe de la télévision américaine, s'arrogeant le titre de meilleure série dramatique pour la troisième année consécutive.
« En deçà de la réalité »
Et sur la blogosphère, il faut se lever de bonne heure pour trouver la moindre réserve sur la série signée Matthew Weiner. Subtil, ciselé, plus ambitieux que le cinéma... Les superlatifs pleuvent. Le blogueur Pierre Sérisier compare Don Draper à Jay Gatsby, le héros de Francis Scott Fitzgerald dans Gatsby le Magnifique, « un garçon pauvre dans une ville de riches, pauvre dans une école de riches, pauvre dans une université de riches ».
Les blogs de communicants, eux, cultivent un regard de spécialistes sur le monde de l'agence Sterling Cooper. Blog de nuit rappelle que Mattel, la maison mère de Barbie, a mis en vente 10 000 poupées à l'effigie des héros du feuilleton en 2010. « Mad Men constitue surtout un "best practice" de l'intégration de contenus », peut-on lire sur Publigeekaire, qui évoque notamment un partenariat Playboy-AMC pour le lancement de la troisième saison, en 2009.
Le blog Vulture du très trendy New York Magazine va jusqu'à titrer : « Mad Men ou le génie caché du placement de produit ». Heineken, Utz, Cadillac, US Airways, London Fog et Smirnoff ont tous fait des pieds et des mains afin que leur marque soit magnifiée dans le programme. Mais ce qui interpelle probablement le plus les publicitaires et les autres, c'est le style de vie des hommes de Madison Avenue. Whisky en intraveineuse, cigarettes à la chaîne, pépées à gogo : on se demande quand les protagonistes ont le temps de travailler. À cet égard, on lira avec profit l'interview de Jerry Della Femina, 73 ans, l'un des vétérans de la publicité américaine, sur le site de USA Today. Tranches de vie : « La série est en deçà de la réalité ! », raconte avec truculence le PDG de Della Femina, Rothschild, Jeary and Partners. « À l'apéritif, le minimum était trois martinis. [...] Je fumais trois à quatre paquets de cigarettes par jour. [...].
Et bien sûr, il y avait le sexe, beaucoup de sexe. Aucun mariage n'y a résisté, y compris le mien. » Une sorte d'époque bénie, selon le publicitaire : « Personne ne voulait rentrer chez soi. Il y avait trop d'alcool, trop de cigarettes, trop de femmes. » Un âge révolu depuis les années 1980, où les financiers ont resserré les boulons, et où l'on est parfois passé à d'autres substances.
parole d'expert
« Leur travail : construire la vie des autres »
Mark Tungate, auteur du Monde de la pub (Dunod, 2009), dans lequel il retrace l'histoire de la publicité des années 1850 jusqu'à nos jours.
Que nous dit Mad Men sur la publicité ? La plus grande et la plus subtile ironie du show est sans doute le fait que son personnage central, Don Draper, est un menteur. Il ment sur ses liaisons, il ment sur son passé, il se ment. Sa vie entière est une construction, et son travail consiste à construire la vie des autres. L'auteur de la série, Matthew Weiner, veut-il sous-entendre que les publicitaires sont des menteurs ? Peut-être devrait-on lui poser la question... ».