De nombreux contentieux opposent agences de communication et annonceurs, qui se disputent la titularité des droits d'auteur sur les créations publicitaires, les agences estimant ne pas avoir cédé leurs droits pour réclamer une rémunération supplémentaire au titre de l'exploitation des œuvres – le plus souvent après la rupture de leurs relations avec l'annonceur –, ce dernier s'estimant libre de pouvoir exploiter les créations qu'il a achetées à l'agence. Qui a tort? Qui a raison?
Les agences se retranchent derrière le Code de la propriété intellectuelle, qui dispose que la cession des droits d'auteur ne se présume pas et ne peut que résulter d'un contrat spécifiant les droits cédés et l'étendue de la cession (art. L. 131-3), et plus particulièrement encore dans le cadre d'une œuvre de commande pour la publicité, où le contrat de cession des droits doit préciser la rémunération due pour chaque mode d'exploitation, le territoire, la durée, le tirage, le support (art. L.132-31).
En l'absence de telles dispositions contractuelles, il doit être considéré que l'achat d'une œuvre, ou le seul paiement de la prestation de création, n'emporte pas cession des droits patrimoniaux de reproduire et diffuser l'œuvre.
Il est rare, dans la pratique, qu'annonceurs et agences de communication signent de tels contrats. Le plus souvent, la mention laconique «Tous droits cédés» est apposée au bas d'une facture, mais il est de jurisprudence constante qu'elle est insuffisante à valider la cession des droits d'auteur. Les arrêts rendus le 18 novembre 2009 par la cour d'appel de Paris et le 8 décembre 2009 par la Cour de cassation apportent des précisions importantes sur cette question, dans un sens favorable aux annonceurs.
Commune intention des parties
Dans la première affaire, le litige portait sur un logotype fourni par une agence à l'un de ses clients, qui l'avait déposé à titre de marque. La cour d'appel de Paris énonce que l'article L. 131-3, qui exige un écrit pour constater la cession des droits, a vocation à protéger les auteurs seulement. Or, selon la cour, un auteur est une personne physique, c'est-à-dire un individu, et non une personne morale. Ainsi, l'agence de communication, qui dans les faits a elle-même acquis l'œuvre auprès d'un créateur pour la vendre à un annonceur, est réputée avoir implicitement cédé tous les droits d'exploitation du logotype car elle avait nécessairement conscience de l'usage commercial que son client en ferait.
Dans la seconde affaire, la Cour de cassation estime que le «contrat de commande pour la publicité» prévu à l'article L. 132-31 n'a pas vocation à régir les relations entre agences et annonceurs, mais seulement entre auteurs – personnes physiques – et sociétés commerciales, c'est-à-dire entre les agences de publicité et les créateurs auxquels elles font appel.
Il est donc ainsi établi que les relations entre une agence de communication et un annonceur ne sont plus soumises au régime spécial du Code de la propriété intellectuelle, mais au droit commun du Code civil (articles 1341 et 1348): la cession des droits d'exploitation d'une œuvre publicitaire peut se prouver par tous moyens, ou implicitement résulter de la commune intention des parties.
Prudence tout de même: entre un créateur-personne physique et son client, un contrat détaillant les modalités et l'étendue de la cession demeure nécessaire.