(…) Vous qui pensiez que le football permettait de rassembler les peuples par-delà les frontières, vous vous êtes lourdement trompés. Eh oui, quand la Fifa pose ses valises en terre inconnue, c'est tout l'Occident qui retient son souffle. Je n'entrerai pas dans des précisions politico-footballistiques, mais vous n'êtes pas sans savoir que ce ne sont pas les Africains qui vont tirer profit des bénéfices de cette compétition.
L'argent leur passe sous le nez et il faudrait en plus qu'ils fassent abstraction de leur culture. Sachez que Claude Lévi-Strauss se retourne dans sa tombe à chaque fois que l'on critique le bruit (certes agaçant) du vuvuzela. Quand j'entends sortir de la bouche de nos chers commentateurs français qu'il faudrait interdire cet instrument traditionnel, je ne peux que m'insurger. Incapable de s'adapter à la culture d'autrui, l'homme serait dans l'incapacité totale de faire abstraction d'un son qu'il ne «comprend» pas. Car il s'agit bien ici de compréhension. Pour la masse, le vuvuzela serait un instrument permettant de déstabiliser l'adversaire. Mais que dire alors de la «ola», élément traditionnel de célébration dans les stades européens? Interdire ou critiquer le vuvuzela est aussi aberrant que de fustiger la «vague humaine».
En ce sens, je suis encore et toujours étonné par notre faculté à penser que notre culture «a raison» et que l'autre doit s'adapter, se plier à notre vision.
Le vuvuzela est définitivement un ingrédient indispensable pour l'ambiance des stades sud-africains et tant pis pour vos tympans. L'ethnocentrisme ne doit pas s'imposer par les décibels! Attention donc à ne pas se laisser prendre au piège de l'ethnocentrisme, Lévi-Strauss veille. Aussi finira-t-on sur cette citation extraite de l'un de ses livres, L'Origine des manières de table [troisième tome des Mythologiques]: «Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l'homme, le respect des autres êtres avant l'amour-propre.» Méditons.