L'heure est venue, après de nombreux mois d'austérité marketing, d'affûter votre stratégie de marque. Vous voila donc peut-être à fouiller dans les tiroirs à la recherche de la fameuse «pyramide», de «l'oignon» ou de la «brand key», censée capturer de façon unique l'essence et les valeurs de votre marque. Après examen, la première réaction est souvent : «Est-ce vraiment cela, ma marque ? Ce document qui prend la poussière a-t-il vraiment délivré de la valeur et guidé mon marketing ?» Puis : «A quoi bon ?»
Ces visions de marque et leur format complexe et confus restent trop souvent inutilisés, car inutilisables. Leur impact sur la stratégie marketing et le business sont limités, voire nul. La plupart des projets de définition de vision de marque échouent ? Voici pourquoi.
Trop souvent, d'abord, la vision est développée de façon théorique et conceptuelle, sans tenir compte de la réalité du business et des produits de la marque. Le langage marketing n'est ni «traduit» ni aiguisé pour donner la compétitivité et l'attrait dont la marque et les marketeurs ont besoin. Les mots sont trop nombreux et ambigus. Cette approche trop intellectuelle explique en partie la mauvaise réputation du marketing dans les autres fonctions de l'entreprise.
Trop souvent, aussi, des mois ont été passés à peaufiner le document autour du choix d'un mot plutôt qu'un autre, au risque de perdre vue de l'essence même de la marque et des objectifs de l'exercice ! Cette perte de la dynamique est suicidaire : très vite, les équipes se rendent comptent d'elles-mêmes que, finalement, on n'a peut-être pas besoin d'une vision de marque, que tout fonctionne bien sans cela et que la vision de marque termine sa vie dans un fond de tiroir. Et pourtant, il est facile de constater que seules les marques aux visions claires et fortes ont tenu le cap durant la récession : une vision forte n'est pas seulement un repère de long terme, c'est aussi un outil essentiel pour arbitrer l'allocation des ressources marketing, guider la stratégie recherche et développement (R&D), garder un staff motivé, etc.
Trop souvent, encore, le réflexe du marketeur enthousiaste, une fois qu'il a abouti à une vision de marque motivante, est d'aller voir son agence de communication et de lancer une nouvelle campagne TV pour annoncer la nouvelle. Alors que la vraie priorité n'est pas de parler, mais de faire et de travailler les implications et leviers sur le «mix marketing» : quel est l'impact de cette vision sur ma gamme de produits actuels ? Les valeurs de ma marque ont-elles des implications sur mes priorités marketing ? Quel serait le produit «héros» qui incarnerait au mieux cette vision ?
Ceci posé, voici quelques règles d'or pour qu'une vision de marque délivre de la croissance plutôt que du cynisme et de l'apathie.
Laissez l'échelle au garage. Le «laddering up» est devenu une pratique dangereuse. Toujours à la recherche de bénéfices émotionnels plus élevés, les marques grimpent, grimpent… et finissent par perdre le fil qui les rattache à la réalité de l'expérience du produit et de la marque. Une vision doit certes avoir la tête dans le ciel, mais aussi les pieds sur terre, elle doit être ancrée dans des valeurs et des attributs différenciants qu'elle peut s'approprier avec légitimité.
Arrêtez de «polir la pyramide». «Polir la pyramide», c'est le labeur qui consiste à travailler et retravailler la sémantique de votre «template» de marque pendant des mois, alors même que l'idée générale est comprise et acquise. Un exercice d'autant plus vain qu'il implique souvent des équipes multinationales dont les interprétations de mots anglais sont souvent problématiques. Dès que le consensus est acquis sur l'idée centrale de la vision, c'est le moment de passer à l'action.
Pensez moins, faites plus. C'est le «test-drive» d'une vision : faites-en un manifeste, testez votre vision dans des campagnes pilotes, briefez la R&D sur le produit «prototype» qui incarne le mieux cette vision, revisitez votre architecture de marque, faites passer le mot à l'interne, etc. Toutes les stratégies sont bonnes pour apprendre à affûter votre positionnement par le biais de la pratique, afin de l'ajuster et de l'améliorer si nécessaire. Un projet bien plus passionnant que celui d'un «remplisseur de cases», le travail d'un véritable «CEO de la marque».