«Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire.» Cette petite phrase lâchée par Nicolas Sarkozy lors du Salon de l'agriculture n'a pas fini de faire des vagues. Actée par l'annonce, le 23 mars, du retrait de la taxe carbone, cette nouvelle posture présidentielle a sérieusement fissuré l'édifice du Grenelle de l'environnement, une des mesures phares du quinquennat et, accessoirement, l'unité du gouvernement, ce qu’illustre le «désespoir» de Chantal Jouanno, secrétaire d'État à l'Écologie.
Jugeant dès lors la «méthode Grenelle (...) complètement décrédibilisée», la Fondation Nicolas Hulot, qui avait porté le «Pacte écologique» durant toute la campagne présidentielle de 2007, a décidé le 29 mars de suspendre sa participation à ce processus de concertation. Une position que pourraient imiter d'autres associations parties prenantes du Grenelle. «La décision du gouvernement est une honte et contribue encore davantage au discrédit de la parole politique», tempête Pierre Siquier, vice-président de la Fondation Nicolas Hulot et patron de l'agence Ligaris.
La situation aurait donc de quoi inquiéter l'Elysée... Mais du point de vue de l'opinion publique, le choix du gouvernement est loin d'être une hérésie. Selon un sondage Ipsos (1) publié le 29 mars par France Soir, 69% des Français considèrent que Nicolas Sarkozy a eu raison de retirer le projet de taxe carbone tel qu'il était envisagé. Si l'on affine par sensibilités politiques, on constate que 78 % des électeurs UMP sont satisfaits de ce retrait, 69% des électeurs du PS et, étonnement, 50% des électeurs Verts. Seules 21% des personnes interrogées regrettent son abandon. «Ces chiffres montrent cruellement le manque de conscience collective dès qu'il s'agit de passer à l'action», regrette Pierre Siquier qui reconnaît une saturation en informations sur le sujet et le désastreux exemple de Copenhague.
Une petite lueur d'espoir ? Quand on interroge les Français sur l'hypothétique proposition du gouvernement d'instaurer la taxe carbone à l'échelle européenne, ils s'y disent favorables à 62%, 33% s’y opposant. En fait, le rejet de la taxe «made in France» s'expliquerait, selon la secrétaire d'État à l'Économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet (ex-secrétaire d'État à l'Écologie), interrogée sur RTL, par le fait que le gouvernement «n'a pas réussi à faire comprendre que cette taxe carbone, en fait, c'était un bonus-malus sur le carbone».
Il s'agirait en somme d'un problème de communication. L'explication peut paraître un peu courte, mais on ne peut s'empêcher de penser que le choix du mot «taxe» était pour le moins inopportun. «Nous avions proposé contribution climat énergie», soupire Pierre Siquier. Quant au mécanisme de la taxe carbone, quelque peu complexe, il a vite été perçu par les Français comme une nouvelle usine à gaz. Sans parler de la décision d'exempter les industries déjà soumises au système de quotas européens d'émissions de CO2, renforçant l'impression que seuls les ménages étaient sollicités. Effectivement, le dossier semblait bien mal engagé.
Parole d'expert
«L'image du gouvernement en est affectée»
Jean-François Doridot, directeur général d'Ipsos Public Affairs
«Les résultats de ce sondage ne constituent pas une surprise. Avant l'été 2009, de nombreux sondages montraient qu'une majorité de Français se déclaraient favorables à une fiscalité écologique. Mais depuis l'automne dernier, au moment où ont été présentés les détails du mécanisme de la taxe carbone, toutes les enquêtes ont montré un rejet de cette initiative. Le système de redistribution, complexe, n'était pas jugé crédible par les Français qui s'estimaient le plus souvent perdants. En fait, ils jugeaient la taxe pas assez équitable, peu efficace et trop contraignante. Quant à l'image du gouvernement, on peut estimer que, même si l'opinion est favorable à la suspension de cette taxe, elle en est affectée en termes de crédibilité sur les questions écologiques.»