Il est temps de tirer des leçons des sciences humaines, notamment de l'ethnologie, et de renvoyer dos-à-dos les fidèles croyants de la pub et ses contestataires radicaux. Car une troisième voie est possible, dégagée par les artistes contemporains et délivrée de tout cynisme. Elle s'explicite ainsi: le marketing est un art du bluff, une folie, mais c'est un art éminemment nécessaire, difficile et créateur de valeur. La communication peut être pensée comme une pédagogie, c'est d'ailleurs son rôle quand elle n'invente rien et se réduit au médiaplanning et à la stratégie d'influence, au bouchage des trous entre émetteur et récepteur.

Reste que l'on baigne encore jusqu'au cou dans la magie et le bluff concernant les produits que nous lançons: à part une poignée de calories, de l'eau et des murs protégeant du froid, rien n'a jamais utile ni naturel, tout est artefact, symbole et prestige. En conséquence, certains sont tentés de s'appuyer sur la science dans leur communication; pourtant, en général, une étude approfondie ne permet pas de réfuter la thèse d'un effet placebo. Nous sommes plutôt comme des primitifs, consommant des produits censés résoudre des troubles et des angoisses qui demeurent obscurs et incompréhensibles à nos yeux.

Réalité subjective

À la différence des antimarketing, je ne vois là rien d'insultant ni de choquant, bien au contraire. Le marketing exploite la folie de l'homme, sa superstition et sa crédulité. Seulement, c'est précisément cette folie qui fonde notre société, qui nous permet de nous prendre au sérieux, de croire que nos activités ont du sens, que l'on est utile à force d'astiquer nos fétiches: titres, cartes de visite, profils sur les médias sociaux. Untel s'autoproclame consultant en stratégies, et l'on y croit, et ça marche, et c'est productif. Tel produit prétend nous rajeunir, et l'on y croit, ça marche, ça crée de la valeur. La réalité dite objective compte, mais si peu.

En ce sens, ce sont les artistes contemporains qui incarnent au mieux l'avant-garde du marketing. Ainsi, tel un marketeur de génie, un artiste contemporain, suffisamment compétent en relations publiques et en «personal branding» pour être reconnu, peut d'un seul geste attribuer une valeur vertigineuse à un objet qui, sorti de son contexte artistique, ne vaudrait rien. Et l'on devrait en prendre la graine, car c'est lui qui, dans cet espace d'hyperspéculation, fonde les valeurs de demain.

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