La loi création et Internet ou Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) est en vigueur en France en 2010 dans sa deuxième mouture, après avoir été retoquée par le Conseil constitutionnel. Visant à réprimer le partage illégal d'œuvres culturelles sur Internet, elle instaure un dispositif dit de riposte graduée, avec envoi de courriels d'avertissement, de courriers recommandés et, à terme, une possible suspension de la connexion Internet des personnes soupçonnées de téléchargement illégal.
Or, selon une étude des chercheurs de l'université de Rennes citée le 9 mars par Les Échos, le nombre de pirates aurait augmenté de 3% entre septembre et décembre, soit trois mois après l'adoption de la loi Hadopi 2. Et seulement 15% des internautes qui utilisaient les réseaux «peer to peer» avant l'adoption de la loi Hadopi «ont définitivement cessé de le faire», toujours selon cette étude réalisée avec le groupement Marsouin, spécialiste des usages numériques. De plus, constate l'enquête réalisée à partir de 2000 interviews par téléphone, les trois quarts des anciens pratiquants se sont tournés vers d'autres méthodes illégales, comme le streaming ou le téléchargement direct.
Autre effet contre-productif, selon le rapport: 50% des pirates seraient également des acheteurs numériques. Si la sanction finale (la suspension de la connexion) leur est appliquée, cela réduirait la taille du marché des contenus culturels numériques de 27%. Sur le blog Linux Manua, spécialiste de la liberté sur le Web, on apprend même comment contourner cette loi à l'aide «d'antidotes anti-Hadopi» : utiliser le streaming, renommer les fichiers, etc.
Preuves immatérielles
La suspension d'accès serait-elle donc une mesure inappropriée? Une étude menée fin 2009 par Globe Scan pour la BBC auprès de 27000 adultes de 26 pays montrait déjà que pour 80% d'entre eux, l'accès à Internet est un droit fondamental. Une enquête de TNS Sofres de février 2010 sur le même sujet confirme que 59% des Français considèrent le Web comme une source importante d'information. «Un juge pourra toujours restreindre nos droits, comme nous priver de l'accès au Net, mais la solution est un peu disproportionnée», estime Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net.
Sans compter, ajoute-t-il, que la surveillance du Web sera confiée à des sociétés privées (dont des syndicats professionnels ou des enquêteurs). Pour instaurer ses sanctions, Hadopi 2 s'expose donc à de fortes contestations. «Les preuves seront immatérielles, et il sera facile de faire appel en évoquant un piratage de son adresse IP», poursuit l'animateur du lobby anti-Hadopi.
Les internautes ont-ils pour autant lieu de s'inquiéter? Bien que la Haute Autorité soit constituée et que les conditions de récupération des données personnelles des internautes aient été rendues publiques, le décret concernant la mise en place des sanctions, attendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, n'a toujours pas vu le jour. De plus, le décret prévoirait l'envoi de 10000 courriels d'avertissement par jour. Sachant que 5 millions de Français utilisent régulièrement le «peer to peer», cela fait une moyenne d'un avertissement reçu tous les… 500 jours pour un internaute.