L’Observatoire de la consommation responsable (Obsoco) vient de publier, avec Citeo (économie circulaire), une vaste étude qui explore les nouveaux comportements des Français dans leurs actes d’achat et leur perception du rôle des entreprises et des marques dans la transition écologique.
Le niveau monte, les amis ! La conscience écologique gagne du terrain. 61 % des Français jugent « très préoccupante » la situation environnementale au point de souhaiter « des changements radicaux afin de produire et consommer moins mais mieux ».
Ce n’est pas la première enquête qui témoigne de ces changements de comportements mais cette dernière a la particularité de faire un lien avec le bouleversement culturel, voire psychologique, qui accompagne cette prise de conscience : notre rapport à la nature et à la société humaine toute entière puisque nous sommes 90 % désormais à nous accorder sur l’idée que « l’interférence de l’action humaine sur la nature produit souvent des conséquences catastrophiques ».
La crise sanitaire que traverse l’humanité joue le rôle d’accélérateur dans ce changement de regard. La pandémie nous rappelle brutalement la fragilité de notre espèce et plus encore de notre système globalisé tout entier. Le désespoir, la colère, qui pointent dans nos sociétés, ne naissent pas uniquement d’un sentiment de contraintes et de manque de liberté. Ils se nourrissent, j’en suis certain, de notre sidération devant un modèle de société qui semble nous glisser sous les pieds.
Les étudiants le disent. On leur a répété, pendant des années, depuis leur prime enfance, qu’en travaillant bien à l’école, en soulignant en rouge et en respectant les deux carreaux après la marge, ils auraient un job, la sécurité matérielle et l’accès aux loisirs. Et on leur parle, les yeux dans les yeux d’une « génération sacrifiée ». La classe ! Les salariés comprennent quand la crise secoue leur entreprise que le « contrat social », les efforts consentis d’adaptation et de productivité, l’engagement demandé depuis des années, comptent pour du beurre quand il s’agit de sauver les résultats financiers. Les citoyens, nous tous en fait, sommes groggys, tiraillés entre la nécessité de faire tenir le système pour lui permettre de se réinventer sans fracas et la pressante envie de sortir du jeu, de trouver une issue de secours ou juste de s’asseoir par terre (sur le trottoir d’à côté, comme dans la chanson de Souchon) et regarder passer les trains. Alors que le gouvernement, face à la contrainte sanitaire, tente de sonder notre état psychique, notre réserve de patience et d’acceptabilité, avant de resserrer la vis du confinement.
Dans l’Histoire, ce sont toujours des événement catastrophiques qui ont ouvert les chapitres de notre humanité : guerres, révolutions, épidémies. Ces « catastrophes » ont toujours été des passages vers le temps d’après, comme la Renaissance après la grande peste noire européenne, dont je parlais dans une chronique, Pandémie durable [dans Stratégies n° 2032 paru le 19 mars 2020, ou sur Stratégies.fr]. Catastrophe : c’est drôle, ce mot associé aux films du genre, à la fin du monde et aux effondrements. Son étymologie grecque signifie renversement (de strepho, tourner. Comme révolution en fait...).
Et si nous racontions une autre forme de catastrophe ? un bouleversement gourmand, un renversement qui soulage ? Nous le devons à nos enfants, à nos collaborateurs, à nos clients. Ouvrir le champ des possibles est notre façon d’agir. Observons ce qui émerge, explorons ce que nous souhaitons voir advenir. Nous le savons, les mots, notre langage,
sont transformatifs. Racontons l’avenir avec délice. Communiquer, c’est partager une vision du monde et de l’avenir. Ce n’est pas de l’utopie, c’est du réalisme. Créer, dessiner, écrire ce monde possible est un acte de résistance. Allez, ne nous laissons pas enterrer par le catastrophisme ambiant, la grinchitude, la colère aigre.
Et puis, moi, assis sur le trottoir, j’ai vraiment peur de m’ennuyer !