A l’instar de notre société tout entière, la relation à l’information a complètement basculé. Selon Philippe Breton, chercheur au CNRS, c’est l’avènement de l'homo comunicans, «un être tout entier tourné vers le social, qui n’existe qu’à travers l’information et l’échange, dans une société rendue transparente grâce aux nouvelles machines à communiquer». D’un côté, on observe une communication qui contribue à l’ouverture, encourage la transparence et promeut la multiplicité des sources d’information, et de l'autre, on réalise que cette même communication concourt également à uniformiser les normes, les comportements, les pensées et les goûts, dans un monde où s’affermit l’idée de personnalisation, d’individualisme et, par conséquent, de repli sur soi.
Communiquer n’est pas une action simple, d'abord parce qu'il existe une différence d’interprétation selon que les messages soient verbaux et non verbaux. C’est notamment ce qu’a été établi avec la «règle des 3V» d’Albert Mehrabian, professeur émérite de psychologie, qui révèle que 7% de la communication est verbale (par la signification des mots, du sens), 38% est vocale (intonation et son de la voix) et 55% est visuelle (expressions du visage et du langage corporel). Il précise que cette règle s’applique essentiellement lorsqu’il s’agit de parler de sentiments ou d’états d’esprit. La vie individuelle étant soumise à l'ensemble des relations que chacun entretient avec autrui, il est opportun de souligner que nos sentiments et notre état d’esprit sont, par conséquent, des éléments essentiels de notre communication. On comprend donc que toutes ces interactions de communication, tacites et invisibles, peuvent parfois être à l'origine d’incompréhensions, légères ou profondes, entre des personnes qui, par exemple, n'attribuent pas forcément la même signification à certains codes ou règles d’usage.
Ensuite, face à un monde qui bouge en permanence et dont les fondamentaux sont remis en cause (crises économiques, scandales politiques ou de mœurs, conflits sociaux), on comprend bien que communiquer n’est pas une action simple. Ce n’est pas une action univoque et rationalisée. C'est avant tout une façon d’établir une relation avec l’autre. C’est aussi, dans le cas de l'entreprise, s'assurer que les relations entre les personnes encouragent le bon fonctionnement d’une organisation, et notamment lui permettent d’atteindre ses objectifs de productivité et de profit avec la participation, précisément, des individus qui la composent.
Du marketing systémique à la communication holistique
Nombreuses sont les organisations qui n'appréhendent pas encore l'importance de la communication et sa complexité. Les règles qui régissent les relations entre les personnes sont parfois si codifiées et normalisées qu’il apparaît logique que la communication soit également standardisée. Par ailleurs, il n'est pas rare que l’entreprise cantonne ses actions marketing, et donc sa communication, aux seuls moyens lui permettant de présenter son activité, ses produits et ses services. Et bien que ses objectifs soient d'améliorer son image, d'accroître sa notoriété ou d'augmenter sa performance, elle néglige trop souvent d'analyser, de manière systémique, son organisation et ses interactions afin de les intégrer dans une dimension plus globale de son management stratégique.
Pour reprendre la formule de Kotler, «le marketing est le processus sociétal par lequel des individus et des groupes obtiennent ce dont ils ont besoin et ce qu'ils désirent ; ce processus consiste à créer, offrir et échanger avec autrui des produits et des services de valeur (…) et à élaborer et mettre en œuvre des actions à large spectre et reliées entre elles». On comprend déjà dans cette définition du marketing que la nécessité d’appréhender l’entreprise dans son ensemble – et donc comme un système - est une des clés fondamentales pour permettre une démarche nécessairement relationnelle, intégrée, diffusée en interne et orientée vers la performance.
Dans ce contexte, cette approche, finalement «socialement responsable», est à encourager pour permettre à l’organisation de réussir. Ainsi, dirigeants, managers et collaborateurs sont à considérer sur un même pied d’égalité dans l’importance du rôle que chacun joue, et de l'influence que chacun exerce, au sein de cet ensemble que représente l'entreprise. C’est donc en adoptant une démarche cohérente et alignée en interne, avec toutes les parties prenantes, que l’entreprise dépassera la cohérence de forme pour atteindre une cohérence de fond, à la fois dans sa communication, ses interactions et ses actions.
Mettre du sens en interne
Si l’on considère que l’entreprise reste avant tout une organisation sociale, les raisons de donner davantage de sens au sein d’une entreprise ne manquent pas. Il s'agit d'abord de définir un projet commun formalisé par une déclaration de mission, puis de fédérer les employés autour d’un projet ambitieux qui donne une raison d’être à l’entreprise et enfin de mobiliser les parties prenantes autour d’indicateurs de performance communs. En mettant à l’œuvre une communication qui fait sens pour ses employés, ses partenaires, ses clients et pour elle-même, l’entreprise y gagne un formidable outil au service de la performance, qui permet de créer des bases solides d’interaction, à la fois internes et externes. C’est ainsi que l'entreprise peut affermir sa légitimité et encourager l’implication de son personnel dans ses opérations de gestion, de production et de marketing.
Aujourd'hui, différentes études le montrent bien : la prise en compte de la dimension humaine, émotionnelle et relationnelle en entreprise, comme dans les actions de marketing et communication, est devenue le facteur clé de la performance, qu’elle soit individuelle ou collective. Considérée comme une discipline transversale des sciences humaines, l’analyse systémique en marketing permet de délivrer des outils, des méthodes et des techniques pragmatiques pour remettre du bon sens au cœur des actions et contribuer à la réussite d’un projet, d’un lancement de nouveau produit, d’une campagne. Il s’agit là d’une formidable opportunité pour connecter le marketing à la sociologie des entreprises, qui permettra, sans aucun doute, d’améliorer la compréhension des objectifs par toutes les parties prenantes, et de faire de l'entreprise une organisation qui communique mieux.