Tribune
Face à des individus qui souhaitent donner toujours plus de sens à leurs achats, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à faire de la RSE un axe stratégique. Encore faut-il ne pas le faire à demi-mesure.

A l’heure de l’hyperconsommation, la plupart des individus aspirent à donner un nouveau sens à leurs achats. Ils souhaitent que leurs dépenses soient davantage en cohérence avec leurs valeurs et que les marques qu’ils achètent et auxquelles ils choisissent de s’associer leur proposent bien plus qu’un simple produit : qu’elles s’investissent dans la société, pour une cause ou pour le bien commun. Ce nouveau paradigme, qui transcende le business as usual, pousse ainsi les marques à prendre position sur des sujets variés pour exprimer leur brand purpose, autrement dit la mission supérieure de la marque. Mais cette stratégie suppose une remise en question profonde, qui peut s’avérer compliquée si l’on souhaite faire de cette mission sociale un réel avantage concurrentiel et un levier de performance.

Car le risque de basculer du côté du greenwashing n’est jamais très loin. «On ne compte plus les programmes à visée sociale bien intentionnés qui ont englouti quantité de ressources et de temps pour finalement finir aux oubliettes», remarquait récemment les experts en marketing Omar Rodriguez Vilà et Sundar Bharadwaj dans la revue Harvard Business Review. Pour éviter l’écueil d’un mauvais choix stratégique, de plus en plus d’entreprises ont décidé de miser sur la valorisation de leur propre politique RSE, obligatoire pour certaines depuis plus de 15 ans. De plus en plus d’études font en effet le lien entre comportement social et sociétal des entreprises, confiance et propension des consommateurs à acheter puis à recommander.

Ainsi, l’étude 2019 BrandZ/Kantar Millward Brown a examiné les performances des marques françaises basées sur leur responsabilité sociale et sociétale. On y découvre que les marques considérées comme étant les plus fiables de l’étude figurent également parmi les marques ayant la RSE la plus forte, à l’image de Michelin, Décathlon ou EDF. Encore faut-il pouvoir démontrer et évaluer objectivement la contribution sociale et sociétale de son business model ou de sa raison d’être. Difficile, en effet, de rendre des comptes sur ses engagements de manière objective sans susciter la méfiance des consommateurs.

De manière radicale

Pour asseoir leur légitimité, les marques sont de plus en plus nombreuses à établir des correspondances entre leurs stratégies RSE et des référentiels internationaux comme les Objectifs de Développement Durable (ODD), définis en 2015 par les Nations-Unies et qui constituent un cadre universel de référence. C’est le cas du groupe Philips, qui affiche très explicitement l’objectif de générer une part importante de son chiffre d’affaires provenant d’innovations contribuant positivement à deux ODD, sur l’énergie propre et sur la consommation et la production responsables d’ici à 2020.

Autre mouvement de fond, les marques qui s’engagent le font sans demi-mesure, de manière radicale, seule manière de crédibiliser leur démarche, d’amener une disruption et une sortie de la trajectoire du business as usual. C’est désormais l’approche des marques leaders, sur bon nombre de marchés et de sujets : la ville de San Francisco vise zéro déchet à horizon 2020, là où Interface, le leader mondial des dalles de moquettes, ambitionne zéro impact sur l’environnement. Quant à Starbucks, Nike et Marks & Spencer, ils affichent des objectifs à 100% de produits responsables.

Pour convaincre, la marque n’hésite également plus à afficher une transparence totale en fournissant des reporting sur l’origine des matières premières et des fournisseurs ou la performance des usines, directement accessibles aux consommateurs. L’Oréal a, par exemple, développé un outil pour évaluer le profil environnemental et social de ses produits, en collaboration avec 12 experts internationaux et 7 experts reconnus en analyse du cycle de vie. Le programme fait l’objet d’un rapport d’avancement annuel et, depuis 2016, tous les objectifs de performance liés au programme ont été intégrés dans les systèmes de bonus des dirigeants et des marketers.

Ces entreprises surperforment

Désormais, il n'y a plus de doute : les entreprises qui intègrent la politique RSE à leur positionnement surperforment. Les 50 marques engagées de l’indice Stengel 50 affichent une croissance de leurs résultats de près de 400% entre 2000 et 2011 alors que l’indice boursier classique S&P 5000 enregistre sur la même période une baisse de 8%. Plus récemment, selon le BrandZ 2019, les marques ayant travaillé leur utilité sociale et leur raison d’être ont généré deux fois plus de croissance que les autres.

Parmi celles qui ont inscrit le développement durable et l’engagement responsable au cœur de leur mission et de leur offre, on trouve les marques de cosmétique engagées Natura et L’Occitane mais aussi les marques de luxe Hermès et Louis Vuitton, les cafés Starbucks, le pionnier américain du yaourt bio Stonyfield Farm, la marque de smoothies Innocent, les fabricants de détergents écologiques Method et Seventh Generation, des marques high-tech comme Apple et Samsung...

Autant d’exemples qui démontrent que si la marque parvient à inscrire ses propres enjeux du développement durable au cœur de son positionnement, en cohérence avec ses produits mais aussi ses valeurs et son histoire, l’engagement devient une source puissante de rayonnement.

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