La Chine est à des années lumière d’avance sur le reste du monde en matière de paiement. Étudier de plus près les grandes tendances en Chine offre un aperçu précieux des tendances à venir en Europe et notamment en France dans les cinq prochaines années. Première particularité du marché chinois, la censure des Gafa, qui a ouvert aux
wallets (portefeuille électronique) une autoroute dans la nation du mobile only. Imaginez une app couteau suisse, qui vous permettrait de commander une pizza, chatter avec vos amis, réserver un billet d’avion, payer un chanteur de rue, écouter de la musique... C’est ce que propose WeChat, l'appli mobile wallet du chinois Tencent. En Chine, 900 millions d’utilisateurs utilisent WeChat dix fois par jour. Son concurrent Alipay compte 500 millions d’utilisateurs. En parallèle, WeChat est 100% adaptée aux consommateurs locaux, à leur culture et aux besoins de chacun. Par exemple, il est possible avec WeChat d’envoyer une poche rouge virtuelle, qui est le cadeau du nouvel an traditionnel en Chine.
Autre spécificité du marché chinois, l’absence d’argent liquide et même de cartes de paiement. Payer en cash ou en carte est quasiment devenu un acte marginal. Les chinois paient absolument tout avec leur mobile, juste en scannant le QR code du commerçant. Ils sont passés directement de l’ère du cash au paiement mobile sans passer par la case carte bancaire. D’ici quelques années, le paiement mobile ne sera plus une option, mais une obligation. En effet, certains commerçants refusent le cash. WeChat ou Alipay monopolisent 94% des paiements mobiles du pays. C’est au départ cet accès au paiement facile, sans passer par une carte bancaire, qui a fait le succès de ces applis auprès des populations parfois fragiles. Ces wallets sont en train d’aller plus loin, et testent de nouvelles solutions: l’idée est de remplacer le paiement via QR code par la reconnaissance faciale. Plus besoin de prendre son smartphone, son plus beau sourire suffit: «smile to pay».
Sous monétisées
WeChat dispose d’un potentiel média monumental, et est devenu incontournable pour tout acteur qui souhaite réussir dans le digital en Chine. L’appli, qui cristallise 30% du temps passé sur le mobile dans le pays, propose un million de mini-apps (soit 50% de l’écosytème de l’App Store), qui ringardisent les autres apps. Par exemple, Nike, qui avait initialement créé un site classique dans le pays, a fini par l’abandonner pour se focaliser sur un mini-site chez le géant de la messagerie. Quant à Carrefour Chine, ils ont remplacé leur budget prospectus papier, qui représentait 60% du budget marketing, par de l’investissement média sur WeChat.
Pourtant, ces apps sont encore sous monétisées. WeChat et Alipay sont assis sur une mine d’or, celle du big data, les Chinois n’étant pas réticents à partager leurs données personnelles. De plus, aucune réglementation de protection des données n’est en place, à en faire baver Mark Zuckerberg. WeChat est accusé ou plutôt contraint de collaborer avec un état autoritaire qui peut piocher dans les millions de données recueillies par l’appli, en fonction des besoins de la nation. On est bien loin
du souci de protection des données à l’européenne.
Transition en Europe
En Europe, l’environnement est très différent. WeChat n’est pas réplicable à l’identique chez nous: règne des Gafas, RGPD, culture des apps plus fragmentées, où une appli correspond à un usage. Cet environnement différent laisse place à des solutions de qualité, innovantes, et bien souvent plus à l'écoute des besoins et des souhaits des consommateurs. Le concept de mobile wallet en Europe a de beaux jours devant lui puisque notre continent est bel et bien mobile first. La moitié des Français commencent leur expérience de shopping derrière un écran, le mobile étant de loin leur écran de prédilection. Quant au paiement mobile, il devrait doubler d’ici cinq ans, et les investissements médias mobiles devraient suivre la même tendance.
Les mobile wallets et leurs fonctions dessinent l’avenir de l’industrie du retail. En Europe, nous sommes encore en pleine transition pour trouver les solutions qui conviendront aux besoins de tous, et surtout rester à l'écoute des consommateurs. La question n’est pas de savoir si nous allons suivre les traces de la Chine, mais plutôt dans quelle mesure et à quelle vitesse. 54% des Français sont encore adeptes de l’encaissement traditionnel, quand en Chine ils ne sont que 16%. L'écart est significatif, mais il se resserre.