Chronique

Se battre pour rester attractif ! Oui, mais quel est le combat ? Grand Paris, OnlyLyon, Bordeaux Métropole, I Amsterdam, la Big Apple… Les territoires mutent : ils deviennent plus grands, plus connectés, plus rayonnants (car plus brandés). Plus agréables, aussi ? Pas toujours ! Car si la course à la technologie remplit son devoir d’image, c’est par l’usage qu’on apportera ce petit soupçon d’âme qui rend la ville toujours plus attractive. Victor Hugo disait d’ailleurs qu’une « ville finit par être une personne ». Elle est donc incarnée, cette ville ! Par des gens, des liens amicaux (et commerciaux), une Grande Histoire, des petites histoires, des moments de joie ou de tristesse collectives… Les Champs-Élysées ont peu changé ces dernières années, mais n’étaient pas les mêmes en juillet 98 (« Allez les Bleus ! ») qu’en décembre dernier (merci Johnny !). Les monuments, les grandes places, les grands événements sont des « biens » auxquels nous sommes tous attachés. Des motifs de fierté, et donc d’unité. Il est là, le supplément d’âme. Dans cet esprit, les JO Paris 2024 seront l’occasion d’incarner, notamment dans le Neuf-Trois, l’esprit du Grand Paris.

Le lieu crée le lien

L’âme d’une ville s’entretient en créant toujours plus de liens entre les habitants. Bernard Stiegler parle de « ville habitée » en mettant en avant la nécessité de dynamiser la vie de quartier. Un « bout de ville » est en effet plus facilement appropriable, modelable… sans être pour autant déconnecté de l’effervescence de la grande ville ! Et pour les animer, les commerces de proximité sont clés : charge à eux de jouer les entremetteurs, de briser les silos entre voisins, entre générations. Pour inspiration : La Régulière, rue Myrha à Paris. Cette librairie organise des ateliers de création artistique avec les enfants de la Goutte d’Or. Allez faire un tour au Mob de Saint-Ouen. Cet hôtel invite son quartier à venir jardiner sur son toit participatif.… Et il est ouvert sur le monde car il héberge l’école de mode Casa 93 dont l’histoire a commencé dans les favelas du Brésil.

Du lien hyperactif et participatif

Si l’un des enjeux du design est d’améliorer la vie des gens, nous nous devons en tant que designers, prendre le pouls de la ville, d’observer ses habitants. Le centre d’écologie urbaine de Montréal a créé un dispositif facilitant la rencontre, les échanges entre habitants « experts de milieux de vie » et urbanistes… pour réalisations concrètes et utiles dans le quartier. Ils ont par exemple créé ensemble une coulée verte afin d’égayer le passage hier pénible au-dessus de l’autoroute. À Saint-Ouen encore, l’association Mon Voisin des Docks a mis en place un système de transport scolaire sous forme de pédibus permettant de rendre la ville « marchable » pour des enfants. Ça c’est design ! À Détroit, le hacking urbain par les citoyens a fait renaître de ses cendres une ville en faillite, et qui est devenue la ville la plus innovante des États-Unis.

Vous avez dit Smart City ?

Prenez la ville porte drapeau de la Smart City, Songdo en Corée. Une ville ultra-connectée, championne du développement durable… qui pourtant n’attire pas foule. Nicolas Gilsoul, co-auteur de Désir de Villes en parle comme d’une « ville futuriste mais ennuyante ». Car au-delà de la technologie, ce qui compte vraiment, ce sont les gens, les rencontres, les inattendus, sentir une bouffée de liberté, d’esprit d’entreprendre, de solidarité, de collectif et de métissage d’intelligence. Peut-être qu’en fin de compte on ne battit pas la ville de demain « from scratch », on fait grandir la ville d’aujourd’hui en améliorant la vie de ses habitants.

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