Certaines époques connaissent une tectonique des plaques plus ou moins vive. Celles qui se meuvent sous nos pieds, pour sidérantes ou jubilatoires qu’elles soient, figurent parmi celles qui laisseront des traces quant à la recomposition en cours. Inéluctablement. Il appartiendra alors, à chacun, d’y avoir apporté sa réponse et amorcé, à temps, son virage. Le mois qui s’achève depuis notre dernière petite musique a rendu un verdict assez limpide quant aux mouvements en cours.
VSD cédé par Prisma Media à Georges Ghosn, Elle probablement cédé par le groupe Lagardère, guerre de tranchée entre TF1 et ses distributeurs… Cela en dit long sur la révolution en cours et la mutation qui devra s’opérer. La presse, coincée entre baisse de ses revenus structurels et crise de la distribution, doit trouver le modèle de rémunération de demain. Paiement à l’article, abonnements libres ou ouverture à d’autres points de vente sont autant de premières pistes possibles – outre la nécessaire révision des dotations publiques – qu’il conviendra d’explorer vite si tous autant que nous sommes souhaitons avoir une presse de qualité gage, par ailleurs, d’une santé démocratique incontestable.
Urgence en agence
La télévision, c’est pire. Sans rentrer dans le détail comptable des exercices annuels des diffuseurs et de la complexité désormais cauchemardesque de sortir un résultat d’exploitation positif, avez-vous observé récemment un enfant, un adolescent ou un jeune adulte regarder la télévision ? Si oui, vous constaterez que ce sont quelques programmes spécifiques et que tout le reste transite par les plateformes vidéo. Ils seront les clients, ou pas, de TF1, France Télévisions, Canal + ou M6, pour ne citer qu’eux, dans un délai de 5 à 15 ans. Souvenons-nous que la moyenne d’âge des téléspectateurs de tous ces diffuseurs est comprise entre 50 et 60 ans aujourd’hui. Que s’il est encore temps de les séduire, 15 ans de consommation et d’habitudes audiovisuelles sont déjà passées par là et seront, à minima, longues… à rattraper.
Adweek, sous la plume de Nick Phelps la semaine dernière, distillait, lui, un point de vue sur l’organisation des agences qui était au scalpel mais avait, au moins, le mérite de mettre sur la table un double et épineux problème à régler… urgemment : l’organisation et la création de valeur. Sur le premier, la segmentation, majeure, entre achat média et création s’avère être, aujourd’hui, moribonde. Sur le second, attaquées de toutes parts par les cabinets conseils, SSII, Gafa mais aussi les annonceurs eux-mêmes qui intègrent, puissamment, une partie de ce qu’ils déléguaient jusqu’à récemment à l’extérieur, les agences – quelles que soient leurs spécialités – semblent devoir recouvrer un ADN. Recrutements de nouvelles compétences, focalisation sur la création de valeur nette perçue, services en pagaille… pourraient figurer parmi les premiers rayons de lumière.
Le cas Cantat
Enfin… Bertrand Cantat. Pourquoi finir par quelqu’un condamné puis incarcéré pour homicide involontaire ? Parce qu’au-delà du drame, il génère, aussi, une fissure profonde du lien social. Le pardon relève d’un traitement moral propre à chacun et ne concerne, en rien, le traitement juridique qui, lui, est de société. Mais entre celles et ceux qui considèrent que le droit et la réinsertion doivent prévaloir et celles ou ceux qui pourraient, aussi, considérer que le pardon ne se décrète pas… l’antagonisme est profond. Celui qui a la clé s’appelle Bertrand Cantat. Et son rôle dépasse largement celui de sa légitime volonté de recouvrer une vie normale. Devenu symbole d’un sujet ultra-sensible – la violence faite aux femmes –, l’ex-leader de Noir Désir pourrait tenter de s’extraire de son cas personnel en écoutant, attentivement, les scissions « sociétales » qu’il génère. À ce moment-là, peut-être, comprendrait-il qu’une performance scénique est empreinte d’anachronisme, d’inélégance voire de provocation et, surtout, de profondes divisions. À rebours de ce que nécessite la constitution d’une nation… c’est-à-dire l’unité.