Alors que l’on pensait le marché de la publicité digitale verrouillé par deux acteurs, Facebook et Google, la grande distribution n’a pas dit son dernier mot. Elle a décidé de se lancer à l’assaut du marché de la publicité en ligne. Et le phénomène est suffisamment récent pour que l’on s’y attarde, surtout qu’il se pourrait bien que l’on ait affaire à un nouveau modèle créateur de valeur pour cette industrie. Rendez-vous avec le trade marketing 2.0.
Régies publicitaires, les distributeurs se mettent à la page
On connaissait le travail des régies de la grande distribution pour leur capacité à avoir pensé la monétisation de leurs espaces physiques : catalogues, têtes de gondole, CRM, etc. Elles s’attaquent désormais au digital. D’abord en les «traduisant», ici les têtes de gondoles se font dispositifs d’habillages de sites, les encarts de catalogues deviennent des achats média. Ensuite en mobilisant leur véritable atout : leur data.
Car c’est sur la richesse de leurs données client que les retailers entendent miser pour rendre singulière leur nouvelle offre publicitaire. Et ils auraient tort de s’en priver, avec des dizaines de millions de consommateurs encartés, les distributeurs ont à leur disposition une masse incommensurable de données, jusqu’alors en sommeil et qui ne demande qu’à être exploitée. La particularité de cette donnée ? Sa granularité, avec une connaissance fine (et exacte !) des habitudes et des styles de consommation de leurs clients, basée sur des données d’achat. C’est par la monétisation de leurs données, manne inestimable pour les annonceurs qui pourraient activer des campagnes ultra-ciblées sur des profils hautement qualifiés, que les distributeurs sont en train de se construire un modèle d’affaire créateur de valeur.
Et les annonceurs dans tout ça ?
Si la grande distribution y trouve son compte, les annonceurs ne seront pas en reste. Le déploiement des premières opérations est concluant. Comment l’expliquer ? Le caractère granulaire des données à disposition permet aux annonceurs de se positionner immédiatement en bas de funnel, dans une logique de performance. Je m’explique : cibler des micro-segments, hyper-pertinents pour une marque, définis selon des habitudes d’achat ou des styles de consommation, c’est l’assurance pour les annonceurs de ne s’adresser qu’à des individus dont on sait qu'ils ont un intérêt déclaré ou une forte appétence pour un certain type de produit. Concrètement : une marque cosmétique ciblera toutes les personnes ayant déjà acheté un soin capillaire, mais d’une marque différente de la sienne, et une marque de lait infantile se focalisera sur les personnes achetant des couches.
Mais où opère-t-on ces campagnes ? Sur le site des retailers évidemment, où les internautes sont prédisposés à l’achat. Mais pourquoi se limiter ? En tant que régies à part entière, connectées aux principales places de marché, et à l’achat en programmatique, il est en réalité possible de s’interfacer sur n’importe quel site monétisant ses espaces publicitaires, et sur lequel navigue notre audience.
S’ajoute la faculté d’imaginer des stratégies sans couture, au plus proche des schémas de consommation omnicanale, avec des opérations de trade marketing qui débuteraient en ligne, avant de se poursuivre en magasin. Je parle par exemple de campagnes promotionnelles géolocalisées, où nos fameux consommateurs de soins capillaires apprendraient en ligne qu’une action promotionnelle exceptionnelle est en cours dans leur supermarché de quartier habituel. Cerise sur le gâteau ? La capacité de mesurer l’impact de ces campagnes sur les ventes en ligne et en magasin via une analyse précise de la base encartée. En somme, une offre plus qu’alléchante qui permettrait aux annonceurs de rééquilibrer leur mix-média digital, aujourd’hui fortement dominé par Google et Facebook.
Amazon en embuscade
Autant dire que les potentialités sont grandes pour les retailers (comme les annonceurs). Mais l’heure tourne, et au risque d’être bientôt à la traîne, les distributeurs ont tout intérêt à s’imposer. Et pour cause, comment ne pas s’arrêter sur les résultats fulgurants de l’offre publicitaire d’Amazon et ses 2,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires ? Sans compter qu’avec des moyens financiers colossaux, des parts de marché en perpétuelle croissance, et un virage stratégique déjà amorcé dans l’alimentaire et les magasins physiques, le géant de Seattle n’hésite pas à marcher sur les plates-bandes des acteurs traditionnels de la distribution. L’heure n’est plus aux tergiversations mais bien à l’action !