Disruption, rupture, altération des modèles, change management… sont autant de mots qui jonchent, depuis 15 ans, toutes les recommandations stratégiques. Du dire au faire, il y en a un qui – maître des horloges – modifie en profondeur le lien entretenu entre un émetteur et ses récepteurs. Le président de la République avait donné deux axiomes majeurs, dans la perspective de son rapport aux médias : respect et distance. S’ils seront respectés car indispensables au (bon) fonctionnement de la démocratie, les médias ne seront néanmoins pas, chaque jour, destinataires de la pensée présidentielle. Pour autant, 8 mois plus tard, en termes d’exposition, Emmanuel Macron vous semble-t-il éloigné de votre quotidien, absent des écrans radars ou à sa tâche sans se soucier du qu’en dira-t-on ? Il suffit d’y regarder d’assez près pour constater que c’est tout le contraire. Que le jeu entamé est d’une fine subtilité.
L'art de dire sans parler
Pour ce qui est du plus récent, de ses quelques jours de congés, à la Mongie dans les Pyrénées, aux cérémonies des vœux jusqu’à son périple chinois, pas une demi-journée n’aura échappé aux Français alors que le président de la République n’a répondu – officiellement – à aucune interview. Alors ? Où est le secret… s’il y en a un ? Eh bien il n’y en a pas en dehors d’user et d’abuser de ce qu’Emmanuel Macron disait à Éric Fottorino, avant même d’être candidat à l’élection, dans l’hebdomadaire Le 1 : « Je pense qu’on ajoute à la misère du monde en nommant mal les choses. (…) Il faut dire nos échecs et nommer nos tabous ». In fine, le président dit les choses sans avoir – toujours – à parler. Quand il part à la Mongie, il dit que le président prend des vacances. Quand il amoindrit le nombre de cérémonies des vœux, il dit que l’accumulation de réceptions sous les lambris a quelque chose de désuet, du passé. Quand il sent la flamme se rapprocher de la poudre, il répond à quelques associations et intellectuels, de Rome, à son retour de Chine, sur le projet de loi « asile et immigration ». In fine, il dit sans dire. Et ne serait-ce pas là la quintessence de ce que doit être la gestion efficiente de la communication moderne ? Au moment où les canaux d’expression n’ont jamais été si nombreux… Emmanuel Macron est un subtil mélange de ce que Jacques Pilhan érigeait en règle numéro une, à savoir la rareté de la parole donnée, et de la saturation de l’espace médiatique propre à Nicolas Sarkozy. « En même temps »… jusqu’au bout.
Deux menuets
Au concert « macronien », viennent se rajouter, en cette rentrée, deux menuets qui disent – aussi – beaucoup de l’époque. Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, a parlé ! C’était dans le JDD du 14 janvier dernier. Après des mois de suspicions quant à la contamination de certains lots de lait en poudre, Emmanuel Besnier a finalement partagé ce qu’il savait, ce que son groupe allait faire et la manière dont il envisageait l’avenir dont, notamment, celui des enfants contaminés et de leurs familles. Sans aller plus avant sur le sujet sanitaire, la posture du PDG mayennais était devenue dangereuse pour son groupe et ses 75 000 collaborateurs. En effet, le monde d’avant permettait de vivre caché et, acculé, de sortir pour éteindre l’incendie et se réveiller, le lendemain, frais comme la rosée. Rien de cela n’est plus possible aujourd’hui. Le cas de Lactalis est, s’il le fallait, le énième point de preuve pour tous ceux qui vivent encore sous les radars et qui feraient bien de sortir la tête. Enfin, second menuet… l’entrée en scène, le 15 janvier, du Média. Produit par des insoumis et « soutenu » par Jean-Luc Mélenchon, ce pure player rendra compte de l’actualité et – n’en doutons pas – de ses commentaires. Si la liberté d’expression doit – toujours – prévaloir, celle de l’impartialité, aussi. Dans le cas contraire, ça s’appelle… de la propagande.
Bonne année 2018 que je me réjouis de passer à vos côtés, toutes les quatre semaines, pour une petite musique de la com’ que nous tenterons de jouer mezzo piano, poco forte ou fortissimo… selon l’actualité qui, toujours, nous guidera.