Chronique

Nous voilà confinés.

Et nous entendons : isolés, suspendus, coincés. C’est drôle les mots quand on y réfléchit. Les « confins » c’est pourtant le lointain, les bordures, les frontières extrêmes. Face au monde sauvage, aux barbares. Sommes-nous donc réduits à notre centre ou à l’exploration de nos propres frontières ? Je nous imaginais, renvoyés aux Marches du royaume, là où se joue la défense de la civilisation. Le désert des Tartares ... Et ce serait autre chose ? le renvoi à nos propres limites, nos sentiments très personnels de finitude ? Celle du monde, notre propre fin même …

Désolé, c’est dur d’écrire du bout du monde. 

Et voilà-t-y pas que l’on célèbre le monde d’après, le jour d’après, l’après-confinement, l’après crise, l’après tout. Comme si ce temps d’exploration des limites nous ramenait au centre du jeu de société. C’est plus facile d’y réfléchir, c’est prosaïque, factuel, connu. 

Alors que rester sur les remparts, là où l’on ne sait plus, là où la raison vacille, c’est très compliqué. On fait donc des plateformes collaboratives, des tribunes dans la presse, on s’insulte un peu sur la toile (pour rester en forme), bref on cogite !

Du coup, je cogite aussi. Et si, pour imaginer ce monde d’après, on intégrait nos Tartares, ceux qui nous réveillent la nuit, ceux que nous guettons sans répit ?

Car finalement, quelles sont ces peurs qui nous font courir sans cesse et nous empêchent de regarder avec curiosité et envie le monde changer ? 

L’Occident n’est plus seul aux manettes de l’économie mondiale. Les Chinois travaillent et apprennent vite. OK. Pas une raison de faire flipper nos gamins dès l’entrée au CP. La démographie mondiale nous oblige à nous serrer, à partager l’espace, à faire gaffe aux ressources. OK. On n’est pas si stupides, c’est du bon sens. Comme dans le bus, faut avancer dans le fond. On devrait y arriver. L’humanité va toucher un plateau de 9 à 10 milliards d’individus puis voir décroitre sa population, on le sait. Les écosystèmes sont menacés, les déchets salissent tout, rongent tout, tuent partout. Alors on va changer. C’est dur, oh la la mais on va le faire : acheter du vrac, du shampoing solide, boire de l’eau du robinet filtré, faire du vélo, réparer, recycler. Et puis il y a les exclus, les laissés de côté, ceux qu’on n’embauche pas, qu’on ne calcule jamais. Comment imaginer ce monde d’après sans embarquer tout le monde ?

Le bouton rouge du système

En fait, oui on va changer. Ce confinement nous en offre l’expérience. Si on le veut certes, rien ne change, à part les déplacements. On se réunit, on fait des apéros en visio, on peut même réussir à se surmener, comme au bon vieux temps. Mais, si on veut, on peut décider de changer des trucs non ? Vous avez essayé ? Ne serait-ce qu’UN truc ? Ne plus manger de viande, se mettre à cuisiner, se lever plus tôt pour faire de la gym ou de la méditation.

Qu’est-ce que ça dit sur nous, le durable, le monde d’après ?  Ça dit qu’on n’a qu’à appuyer sur le bouton. C’est nous le patron. Il y a encore un pilote dans l’avion, même bloqué sur le tarmac. Ça dit que changer, c’est nous qui le décidons – ou pas. Et le capitalisme débridé, prétendument irréversible, c’est pareil. Le système possédait bien un bouton rouge quelque part. Il a su appuyer dessus. Bien sûr, cette situation sous cloche n’est pas économiquement pérenne. Mais changer, tourner le volant, virer sur l’aile, on sait faire. La grosse difficulté est de vivre en se sachant capable de changer, d’avoir ce pouvoir individuel et collectif ébouriffant qui nous renvoie chacun à notre responsabilité.

On ne parle pas pareil à quelqu’un capable ou incapable de changer, capable ou pas de penser collectif. Dans les messages, les campagnes, qu’on conçoit et qu’on diffuse, nous, communicants, osons parler à la partie capable du consommateur. Changer (de marque, de lieu d’achat, d’habitudes de consommation, etc), il SAIT le faire. Et il sait faire collectif, quand c’est important. 

Les Tartares des confins sont en chacun de nous, tapis. Adressons-nous à eux. 





 

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