Mais pourquoi sont-ils aussi gentils? Ceux-là mêmes qui concluent leurs e-mails par le lyrique «belle journée» n’ont plus qu’un seul mot à la bouche: la bienveillance. Les entreprises découvrent qu’il vaut mieux être bienveillant avec leurs salariés et BVA présentera, le 8 mars, son indice de bienveillance des marques… Vraiment trop sympa. Voire un peu trop sympa ? Voire carrément horripilant? Le baromètre des valeurs des Français 2016-2017 réalisé par Kantar TNS refléterait plutôt une exaspération devant cette vague de «kind washing»: la bienveillance, ils en ont soupé, associée qu’elle est à une forme de bien-pensance neuneu, peu en phase avec une réalité beaucoup plus abrasive. En creux s’exprime surtout une lassitude vis-à-vis d’un dévoiement, celui du langage. La bienveillance (tout comme la loyauté, qui commence à proliférer dans les argumentaires marketing) n’est pas un vain mot: elle désigne la capacité à se montrer attentionné et indulgent envers autrui, et surtout de manière désintéressée. Un désintéressement antinomique avec les impératifs de résultats des agences et marques, qui seraient bien inspirées de méditer la fameuse phrase de Camus: «Mal nommer un objet, c’est ajouter aux malheurs de ce monde.»