Le secteur du marketing et de la communication a entamé sa « révolution de la responsabilité ». Pour réussir sa mue, il lui convient d’effectuer son examen de conscience et de répondre à cette question : dans chacune de ses pratiques, à quels renoncements consent-il ?
Deux ans déjà se sont écoulés depuis la première édition du livre Communication et marketing responsables (1). Deux petites années pendant lesquelles notre secteur a entrepris sa révolution. La révolution de la responsabilité. Le mouvement est réel, sincère et d’une ampleur que l’on attendait depuis l’avènement de la norme ISO 26000 en 2010. Les grincheux diront « Il était temps », ou encore « Il aura fallu des lois et de la régulation pour faire changer les comportements et les mentalités » et ils n’auront pas totalement tort… D’autres regardent la situation actuelle et voient le chemin accompli et le point de non-retour atteint.
Une analyse précise, méticuleuse et honnête de la situation oblige à être optimiste et à voir le verre à moitié plein. Les agences, les annonceurs mais aussi les locomotives de notre secteur que constituent les associations professionnelles sont au rendez-vous. « Sobriété », « moins mais mieux », « éco-production »… autant de concepts devenus acceptables voire tendance. Ils ont beaucoup fait pour l’appropriation par les équipes communication des entreprises comme celles des agences de certaines pratiques de responsabilité.
Mais il serait vain d’occulter les difficultés qui restent à surmonter pour réellement faire basculer notre secteur. La bascule fait peur, elle oblige à un déséquilibre même éphémère, à oublier nos habitudes, nos manières de faire, si anciennes et si confortables, pour se lancer dans l’aventure de la communication responsable. La prochaine étape, cruciale, est devant nous. Elle est simple à énoncer, complexe à mettre en œuvre. Nous devons répondre à une seule question : dans chacune de nos pratiques, à quels renoncements consentons-nous ?
Pour y répondre, les agences et les directions de communication et du marketing doivent repenser les modalités de leur gouvernance. Il ne s’agit plus de picorer dans les outils ou solutions que propose la communication responsable mais bien d’opérer la mue de nos métiers. Il ne s’agit plus de placer ici ou là dans nos pratiques des rustines responsables mais de transformer nos processus de travail et de télécharger un nouveau système d’exploitation pour nos métiers ! Chaque action, allocation budgétaire, arbitrage doit être soupesé à l’aune de trois facteurs : son coût, son ROI escompté et ses IESS (Impacts environnementaux, sociétaux, sociaux).
Pas de changement sans indicateurs
Devant nos ambitions et nos meilleures volontés se dresse le mur des renoncements. Métier par métier, processus par processus, les acteurs de la fonction communication vont devoir arbitrer pour atteindre ce que nous appelons l’optimum de Pareto de la communication responsable : le point où s’équilibrent le retour sur investissement et le retour sociétal de chaque investissement. Et affirmons-le, l’arrivée brutale des usages IA dans nos métiers vient complexifier cette équation. Elle apporte de véritables bénéfices et permet d’entrevoir un communicant enrichi mais elle charrie aussi certaines incompatibilités avec la RSE : pratiques hyper-carbonées, risques réputationnels ou juridiques, opacité des algorithmes, biais, etc. Là encore, travaillons pour un usage de l’IA dans nos métiers « en pleine conscience ».
Nous ne pourrons atteindre le point d’équilibre qu’avec une démarche scientifique de nos pratiques. Nous aurons besoin dans notre secteur de professionnels de la communication responsables (et plus simplement de militants) donc de formations, d’outils, de grilles, de standards et benchmarks, et surtout de KPI. Sans évaluation, sans indicateurs, la communication responsable demeurera un vœu pieux, la bonne résolution d’un 31 décembre bien arrosé. Bref, nous ne franchirons pas le mur. Mieux armées, mieux formées, mieux équipées, les équipes de communication auront la capacité à opérer des renoncements justes et équilibrés. L’enjeu n’est plus d’éclairer nos décisions mais de démontrer la pertinence de nos renoncements. Le « mieux » auquel nous aspirons est à ce prix et le jeu en vaut la chandelle.