TRIBUNE

La directive européenne «Green claims» pourrait bien servir de déclic aux entreprises pour faire du marketing un contributeur majeur de l’innovation responsable.

La nouvelle directive européenne «Green claims» ajoute du concret au «Green deal» pour l’Europe, en sa qualité d’outil de lutte contre le greenwashing. L’avancée du Conseil de l’UE, ayant adopté sa position sur «Green claims» en juin 2024, permet l’ouverture des négociations avec le Parlement européen. A minima «Green claims» imposera aux entreprises de retravailler les engagements de leurs marques. A fortiori, «Green claims» pourrait être un déclic pour qu’en entreprise, le marketing devienne un contributeur majeur de l’innovation responsable.

Risque de greenwashing, des approches marketing à bout de souffle face à la transition... Par la directive «Green claims», qui vise à encadrer les allégations environnementales et les labels, la Commission européenne entend responsabiliser les entreprises pour «donner aux consommateurs les moyens d'agir en faveur de la transition écologique». Pour les marques, «Green claims» représente un fort enjeu à la fois de fidélisation et d’innovation.

Avec «Green claims», qui impose de nouvelles règles – dont la vérification obligatoire préalable pour les allégations environnementales de type «biodégradables» ou «moins polluants», et la justification obligatoire des allégations sur la base de méthodes scientifiquement reconnues –, la priorité pour les entreprises va vite être d’inventer des produits et des services plus durables pour réduire le risque de greenwashing et gagner en compétitivité.

Pour les entreprises, proposer des offres innovantes toujours plus durables devient - enfin - vital. De façon concomitante, les entreprises ont notamment besoin d’inventer des technologies régénératives et d’adopter des modèles d’affaires circulaires.

Questionnement du marketing

Parmi les fonctions de l’entreprise qui sont appelées à contribuer à cette dynamique de recherche et d'innovation, certaines se questionnent. C’est le cas de la fonction marketing, qui fait face à une crise de rôle, un questionnement sur ses compétences et un dilemme. Quel rôle le marketing peut-il jouer dans l’invention des technologies régénératives ? A partir de quelles compétences inventer puis déployer des modèles d’affaires circulaires ? Comment vendre toujours plus d’offres innovantes tout en participant toujours mieux à la réduction des impacts ?

Ce questionnement – salutaire – du marketing se vérifie au sein des réseaux d’experts. L’Adetem, qui est le premier réseau du marketing en France, accélère sa réflexion depuis 2021. Son collectif Responsables ! organise un cycle de conférences intitulé «Comment faire pour…» afin de définir un «marketing durable et à impact». En 2024, deux des quatre nouvelles sessions interrogent les marketers : «Ecocirculaire en pratique, comment améliorer votre impact et vos ventes ?» ou encore «Loin du greenwashing, comment choisir les nouveaux engagements de ma marque».

Accélérer la mue du marketing vers le «marketing durable et à impact» devient critique, mais au-delà de cette étape, la fonction marketing doit s’inscrire dans une dynamique plus large de recherche et d'innovation responsable.

Un marketing de l’innovation responsable déjà en phase d’expérimentation

Dans la continuité de la Déclaration de Rome en 2014, la Commission européenne met au cœur du «Green deal» la recherche et l'innovation responsable. En effet, pour transformer le «Green deal» en réalité - dans laquelle la durabilité va de pair avec une «transition juste et socialement équitable» -, la recherche et l'innovation responsable permet de concilier rentabilité, durabilité et acceptabilité pour la société. Afin d’enraciner cette dynamique d’innovation responsable, le marketing mérite d’être complété – de façon fondée - par un marketing de l’innovation responsable.

C’est tout le sens des expérimentations de la recherche en management de l’innovation qui donne déjà des clés pour redéfinir la place du marketing au sein d’une dynamique d’innovation responsable. De ces expérimentations en cours, deux se distinguent.

La première expérimentation est conduite par deux chercheurs du Centre de recherche en gestion de l’Ecole polytechnique (CRG). Valentine Georget et Thierry Rayna mettent à l’épreuve de nouveaux outils qui permettent d’adapter collectivement les modèles d’affaires pour intégrer la notion d’impact et viser la circularité. Au sein d’équipes pluridisciplinaires, c’est l’opportunité pour les marketers de contribuer à l’innovation responsable.

La seconde expérimentation se déroule au sein de la R&D d’EDF. L’équipe Discovery teste comment développer un imaginaire positif de la transition pour «une mise en mouvement collective». A partir des approches de design fiction, cette recherche vise à faciliter la transition en projetant les parties prenantes dans un avenir soutenable positif. Une telle expérimentation préfigure un marketing de l’innovation responsable comme fonction de narration d’une transition positive et d’influence des consommateurs vers la soutenabilité.

Une vaste transformation organisationnelle à orchestrer

Compléter le marketing par un marketing de l’innovation responsable oblige, en miroir, à l’évolution des fonctions research, engineering, design, purchasing, IT, supply, CSR … Il s’agit là d’un mouvement global à orchestrer. C’est ici que l’on retrouve l’importance d’une direction de l’innovation centrale, à la fois architecte des stratégies d’innovation responsable et d’une réinvention organisationnelle qui tende à la durabilité et au progrès. Cette nécessaire transformation mérite, en premier lieu, une fine analyse des compétences pour passer du déclic à l’impact.

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