En 2022, et pour la neuvième année consécutive, la croissance économique la plus élevée d’Afrique subsaharienne a été enregistrée par sa zone francophone, qui est restée la partie la moins touchée par l’inflation et l’endettement. Une tendance qui devrait se maintenir malgré le risque de propagation de l’instabilité politique à certains pays clés.
Selon les toutes dernières données de la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne francophone, vaste ensemble de 22 pays, a enregistré une croissance économique globale de 5,1% en 2022, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne, essentiellement anglophone, enregistrait un taux de 3%. Dans le même temps, d'après les données du FMI, cet ensemble francophone a affiché un taux d’inflation de 7,2% (contre 24,4 %) et une dette publique représentant 49,7% du PIB fin 2022 (contre 60,6%). Seuls deux pays de langue française faisaient partie des dix pays subsahariens les plus endettés, le Congo et Maurice.
Sur la décennie 2013-2022, la croissance annuelle s’est donc établie à 3,5% pour l’Afrique subsaharienne francophone, et à seulement 2,2% pour le reste de l’Afrique subsaharienne, dont la progression a même été inférieure à la croissance démographique. Les quatre premières économies francophones ont enregistré les taux annuels suivants : 7,1% pour la Côte d’Ivoire, 5,8% pour la RDC, 3,9% pour le Cameroun et 5,1% pour le Sénégal. En parallèle, les quatre premières économies non francophones ont été globalement moins dynamiques : 2,4% pour le Nigeria, 0,9% pour l’Afrique du Sud, 8,3% pour l’Éthiopie (deuxième pays le plus pauvre du monde il y a une décennie) et 4,4% pour le Kenya. Sur la même période, le taux d’inflation annuel s’est établi à 3,6% pour l’Afrique subsaharienne francophone (2% en zone CFA), et à 15,5% pour le reste de l’Afrique subsaharienne.
Bien qu’affecté par la hausse du cours des hydrocarbures et des denrées alimentaires importées, l’espace UEMOA, qui recouvre sept des neuf pays de l’Afrique de l’Ouest francophone, s’est distingué avec une croissance de 5,5% en 2022, et une progression annuelle de 5,6% sur la décennie écoulée. Cet espace confirme ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, alors même qu’il n’en est pas la partie la plus pauvre (l’Afrique de l’Est étant la région la moins développée, et la plus touchée par l’instabilité et les conflits).
Dans ce cadre, et hors petits pays de moins de 1,5 million d’habitants, la Côte d’Ivoire est même récemment devenue le premier pays africain assez modestement pourvu en richesses naturelles à dépasser en PIB par habitant un pays d’Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua (2 486 dollars par habitant début 2023, contre 2 255). Par ailleurs, en Afrique centrale, le Gabon a consolidé son statut de pays le plus riche d’Afrique continentale, devant le Botswana, second producteur mondial de diamants et doté du même poids démographique, mais où 26% de la population n’est pas raccordée au réseau électrique, contre seulement 8% au Gabon…
Le franc CFA, outil de stabilité
Les bonnes performances de l’Afrique francophone s’expliquent principalement par les grandes avancées faites par la majorité des pays en matière de bonne gouvernance, de diversification et de climat des affaires, comme l’indiquent les fortes progressions réalisées dans différents classements internationaux, et en particulier en Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, l’adhésion au franc CFA, qui regroupe 13 des 22 pays francophones subsahariens, ainsi que la Guinée-Bissau, a été un facteur de stabilité, et notamment en matière d’inflation et de pouvoir d’achat.
La tendance devrait se poursuivre en 2023 et 2024, avec notamment des taux de croissance attendus, selon le FMI, à 6,2% et 6,6% pour la Côte d’Ivoire, et à 6,7% et 4,7% pour la RDC. Toutefois, certains pays importants d’Afrique francophone, comme le Sénégal, devront faire preuve d’une grande vigilance face au risque d’instabilité alimenté par certaines parties locales ou étrangères, très actives en matière de désinformation sur les réseaux sociaux. Une instabilité qui pourrait affecter leur dynamisme, et remettre en cause les grands progrès socio-économiques de ces dernières années.