Radios commerciales indépendantes, décrochages locaux et service public misent sur la proximité pour défendre leur implantation.
Alouette, Contact FM, Delta FM, Radio Scoop, Totem… Ces noms, peu évocateurs pour une grande partie des Français, sont néamoins familiers des auditeurs de l’Ouest, du Nord, de la région Rhône-Alpes ou de l’Aveyron. Car, avec une programmation mixant musique et informations de proximité, ces radios commerciales indépendantes occupent une place essentielle dans leur zone de diffusion, aux côtés du service public et des grands réseaux nationaux. Ces dernières années, certains de leurs opérateurs - de catégorie B - se sont même fortement étendus sur toute leur région pour résister à la concurrence.
Face à eux, des réseaux musicaux nationaux de catégorie C, qui proposent au minimum trois heures de programmes locaux sur certaines agglomérations. Parmi eux, NRJ Group reste très implanté, avec 200 locales membres de ses réseaux NRJ, Nostalgie et Chérie FM. Tandis que le groupe continue de demander à l’Arcom l’ouverture de nouveaux décrochages locaux, ses homologues Lagardère Médias et RTL Group se montrent, eux, moins présents en région. « Il y a environ cinq ans, l’offre s’est réduite avec la fermeture de locales de Virgin Radio et Fun Radio », relève Romain Guéno. Selon le directeur général adjoint de Connect, entité dédiée aux médias locaux chez Publicis Media, « RTL et Lagardère se positionnent maintenant en challenger avec des offres concentrées sur quelques grandes villes comme Marseille ou Lyon pour le premier, sur davantage de villes moyennes pour le second ».
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NRJ Group demeure donc le véritable concurrent des indépendants. « Et le premier employeur privé en local, avec 220 journalistes et animateurs, et 300 commerciaux », rappelait Gaël Sanquer, son directeur délégué des médias musicaux, aux Assises de la Radio le 2 juin 2022. « NRJ s’investit en local pour répondre aux attentes des auditeurs qui recherchent du live et de la proximité. Cette dernière se déploie au travers de l’information et des émissions en local, explique Maryam Salehi, directrice déléguée du groupe. Et par la publicité, également localisée. Les évènements en région, les délocalisations des émissions phares, ou encore les concerts gratuits sont aussi des moments fédérateurs au plus près des publics », poursuit-elle.
Autre concurrence pour les radios de catégorie B, celle que représentent les 44 stations publiques de proximité de France Bleu, avec ses 1 500 personnes et ses 480 heures de programmes locaux par jour. Si le maillage territorial laisse encore quelques trous comme à « Lyon, Charleville-Mézières ou Moulins », pointait son directeur, Jean-Emmanuel Casalta, aux mêmes Assises de la radio, le service bénéficie de la meilleure couverture radiophonique, se retrouvant parfois même seul sur des zones ayant peu d’émetteurs.
D’après l’étude Médialocales de Médiamétrie, certaines stations de France Bleu dominent leur territoire, comme dans la Creuse, le Périgord ou à Besançon. Et avec plus de 240 000 auditeurs par jour, France Bleu Nord était, sur la saison 2020-2021, la station qui contribuait le plus à l’audience du réseau public. « Leur zone d’émission est généralement plus large que celle des privées, pouvant couvrir jusqu’à deux ou trois départements », souligne Romain Guéno. L’expert du local de Publicis n’oublie pour autant pas « l’importance en local des radios associatives, aux audiences plus confidentielles et peu utilisées au plan commercial sauf pour les messages institutionnels, mais assez nombreuses ».
Dans ce paysage varié, les radios locales indépendantes tirent leur épingle du jeu. Radio 6 est ainsi leader sur Boulogne-sur-Mer et Calais ; 100% à Castres, Maritima à Istres-Martigues, Flash FM à Limoges… toutes avec de 150 000 à 300 000 auditeurs quotidiens. « Et le marché nous assimile clairement à la proximité car nous sommes omniprésents, avec de l’information locale diffusée jusqu’à quatre fois par heure », se réjouit Jean-Éric Valli, PDG du groupe 1981 (Vibration, Wit FM…) et du GIE Les Indés, qui réunit 129 radios locales et régionales.
À l’instar de concurrents de catégorie C, ces acteurs n’hésitent pas à regrouper leurs activités sur les plus gros bassins de population. « À un certain seuil de développement, il y a obligation de rationaliser, reconnaît Jean-Éric Valli. Mais grâce à la technologie, une station régionale peut désormais diffuser depuis un même site plusieurs programmes spécifiques à différentes agglomérations.
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À entendre Céline Baumann, responsable trading & accountability, audiovisuel director d'IPG Mediabrands, « c’est cette hétérogénéité du paysage qui fait la richesse du média. Ces radios ont une puissance indéniable, leur proximité avec les auditeurs est importante. Elle permet d’avoir un engagement plus fort du public pour les marques et les annonceurs ». L’automobile et la distribution, premiers secteurs qui communiquent via la radio locale, l'ont bien compris ainsi que le spectacle et tout organisateur d’événement en local. « D’autres secteurs sont en fort développement : la formation, l’hôtellerie-restauration, les services à la personne et l’énergie », constate Maryam Salehi.
Seule ombre au tableau, « les données locales sont peu précises et n’offrent pas la granularité dont on dispose en national, sauf en Ile-de-France », regrette Céline Baumann. En outre, « toutes les zones ne sont pas sondées par Médiamétrie et toutes les stations ne souscrivent pas à l’étude d’audience », pointe Philippe Nouchi, directeur de l’expertise média chez Publicis Media. Les plans se construisent souvent à partir des données des éditeurs. Conséquence : « une tendance de plus en plus forte à la digitalisation dans le mix média des annonceurs », observe le spécialiste. D’autant qu’internet offre une souplesse d’utilisation. Avec sa carte de paiement, un directeur de magasin peut se construire en ligne, pour 500 à 1 000 euros, un plan de communication chez Google. Mais « c’est surtout le savoir-faire des équipes, l’expérience terrain qui prime », explique Romain Guéno. Le terrain, une spécificité du local.