Fortement impacté par la crise pandémique, le média historique de la communication extérieure connaît un regain d’activité, porté notamment par les acteurs du numérique. Un regain qu’il tente d’inscrire dans la durée.
Réunis à Rotterdam pour le 47e Grand Prix de la communication extérieure du 10 au 12 mars 2022, les adhérents de l’Union de la publicité extérieure ne boudaient par leur plaisir de se retrouver à ce rendez-vous annuel de la création publicitaire, après deux années d’abstinence pour cause de covid, mais également de renouer avec une activité en pleine reprise, après 18 mois de dégringolade, en raison de cette même pandémie. D’autant que, « si nous avons subi une baisse plus importante que les autres médias, la reprise est plus forte », souligne Stéphane Dottelonde, président du syndicat de l’affichage. « Ce média a toujours fait preuve de résilience. Dès que l’économie permet aux opérateurs de redémarrer, ils le font », estime Xavier Sorato, PDG de Poster Conseil, structure dédiée à l’affichage au sein de GroupM. IPG Mediabrands confirme « des investissements publicitaires sur ce média qui ont doublé au premier trimestre 2022 par rapport à celui de 2021, grâce au regain dans les transports et les centres commerciaux notamment, et au retour des annonceurs du secteur culture », détaille Diariata Anne, directrice OOH de l’agence médias.
Satisfactions
Le leader JCDecaux annonce avoir enregistré « un rebond courant 2021, qui a permis de refaire la moitié du chemin après une situation particulièrement difficile en 2020, relate Isabelle Schlumberger, directrice générale du groupe. Avec la fin du déconfinement, le mobilier urbain retrouve le niveau de 2019. Seul le segment des aéroports n’est pas autant reparti. » Tous les secteurs n’ont pas été logés à la même enseigne. « Ceux liés à la mobilité sont les plus impactés, alors que les centres commerciaux ont souffert surtout durant leurs fermetures », résume Caroline Mériaux, directrice communication de Clear Channel France, groupe pour qui « la fin 2021 est au-dessus de 2019 et le début 2022 en ligne ». Dans les transports terrestres, « jusqu’à l’été 2021, la variation du chiffre d’affaires ne permettait pas de dégager de croissance, mais à partir de septembre, celle-ci était de +35% », relève Valérie Decamp, directrice générale de Mediatransports, dont « le plan prévisionnel 2022 est établi sur 90 % à 100 % de l’activité 2019 ».
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De son côté, Phenix Groupe estime « avoir repris 95 % de 2019, malgré deux années très spéciales dont une activité subitement à l’arrêt total en mars 2020 », pointe son PDG, Sébastien Romelot. Il a même pu se montrer offensif durant cette période, en faisant « quelques acquisitions ». ExterionMedia se satisfait, lui, d’un chiffre d’affaires 2021 stable par rapport à 2020, à 76,7 millions d’euros environ. « C’est la première fois depuis dix ans », relativise son directeur général, Olivier Letondeur, nommé à la suite du rachat de l’opérateur historique par la société Samfi-Invest. Ce qu’il présente comme une amélioration est « d’abord lié à l’optimisation de la structure, avec un plan social qui a fait baisser les effectifs de 305 à 155 personnes et permis de s’adapter à la part de marché du groupe, dont le chiffre d’affaires est tombé durant la dernière décennie de plus de 200 millions à moins de 100 millions d'euros ».
Explosion de nouveaux acteurs
Cette embellie du secteur s’accompagne d’un changement dans la composition du portefeuille annonceurs du média. En 2021, de nouveaux adeptes tels Flint et Gorillas sont arrivés sur l’affichage. Valérie Decamp confirme « l’explosion des nouveaux acteurs du marché de la livraison rapide, mais également un retour de la culture, avec la réouverture des cinéma, musées, théâtres… ». Si tous déplorent la faible présence de l’automobile, secteur confronté à un problème de fourniture de semi-conducteurs, les afficheurs bénéficient d’« une croissance importante des pure players, qui viennent chercher avec le média une dimension physique dans leur relation avec le public », estime Isabelle Schlumberger. À Clear Channel, « les secteurs alimentation et boissons sont revenus », à entendre Caroline Mériaux.
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Mais, comme Mediatransports, elle reconnaît « un essoufflement du tourisme international, compensé par le tourisme local ». Quant à la distribution, client essentiel, elle resterait fidèle à l’affichage, « en communiquant beaucoup en local, avec ses réseaux locaux et régionaux », précise Olivier Letondeur. Parallèlement, selon Mickaël Henry, responsable OOH de Dentsu, ce secteur « diminue ses investissements dans la longue conservation », produit commercial dont il était pourtant friand. Reste à savoir si ce changement n’est pas structurel. « Sur 5 ans, la distribution et l’automobile reculent, remplacés par les acteurs de la tech, analyse Xavier Sorato, de Poster Conseil. Ils font donc le chemin inverse car les premiers ont une volonté de faire du ciblage, les seconds, un besoin d’être dans la rue. »
Pour inscrire cette croissance dans la durée, les groupes de communication extérieure misent notamment sur un travail collectif, avec plusieurs gros chantiers : « une nouvelle mesure d’audience sur la mobilité livrée au troisième trimestre ; un projet de mesure d’efficacité sur les ventes ; et un engagement environnemental, via la signature de contrats climat par les opérateurs avec des indicateurs de suivi et la création d’un calculateur d’émission de CO2 des campagnes publicitaires », détaille Stéphane Dottelonde.
Impact sur les tarifs
Durant ces deux années de crise, ils ont également retravaillé leur approche, « avec un assouplissement des CGV », se réjouit Diariata Anne. « Les annonceurs n’anticipant plus, il fallait mettre en place des délais plus courts pour réserver ou annuler des campagnes », explique-t-elle. Un travail d’autant plus nécessaire que l’embellie du marché revêt un enjeu important pour eux. Selon Mickaël Henry, il s'agit de « retrouver de la valeur pour le média. Sa perte d’attractivité a eu forcément un impact sur ses tarifs. Le retour des annonceurs s’accompagne maintenant d’une hausse des prix. »
Chacun des opérateurs s’appuie sur ses propres atouts pour profiter au mieux de la reprise. Ainsi, Guillaume Jaccarini, directeur de la stratégie et du marketing de Clear Channel, souligne que « le groupe propose le mix le plus étayé », étant présent dans presque tous les univers, et qu’il a récemment engrangé des appels d’offres importants comme le renouvellement des 20 centres commerciaux Unibail-Rodamco-Westfield. Chez JCDecaux, ce sont notamment les outils de médiaplanning, perfectionnés pour faire du consumer planning grâce à la data fournie par les clients, qui sont mis en avant. Surtout, « ces deux années de restriction ont confirmé notre discours d’il y a trois ans sur l’importance de la vie à l’extérieure, et par conséquent, sur le rôle de notre média », insiste Isabelle Schlumberger.
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ExterionMedia opérant surtout sur le grand format, avec une implantation dans 219 communes pour un support présent dans 289 agglomérations en France, veut mettre en avant sa force et sa spécificité. Selon Olivier Letondeur, « en affichage, c’est la taille qui compte. Et un réseau national grand format génère en moyenne un nombre de contacts par face 57 % plus élevé qu’un réseau national 2m², d'après les études de Mobimétrie. » À Mediatransports, avec le retour des voyageurs dans le métro et les trains, c’est la qualité de son audience - les jeunes actifs urbains très connectés et early adopters - qui est utilisée comme levier de différenciation. Autre atout, son empreinte écologique, puisqu’ « un voyage en TGV représente 50 fois moins de CO2 qu’un même voyage en voiture et 80 fois moins qu’en avion, comme le rappelait récemment le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou », souligne la directrice générale de la régie.
Phenix Groupe insiste, lui, sur l’intégration des sociétés récemment acquises telles Smartmedia et Topito, qui permet d’élargir son offre de dispositifs comme de contenus aux annonceurs. Quels que soient les atouts de chacun, la publicité extérieure reste un média essentiel pour les investissements publicitaires, selon GroupM, qui l’utilise notamment pour ses clients issus de la tech. « Il permet d’amplifier leur notoriété et de toucher des cibles précises avec le digital », souligne Mathieu Morgensztern, CEO France. Reste à savoir si ce sera suffisant pour confirmer la reprise dans la durée.
Un recul que partiellement compensé
Selon le baromètre unifié du marché publicitaire (Bump) fourni par Kantar, France Pub et l’Irep, la communication extérieure a affiché une forte progression annuelle en 2021, de +21,6%, à 1 064 millions d’euros de recettes publicitaires. Et le média limite la casse à -18,8 % par rapport à 2019, année ayant précédé la pandémie.
Chaque secteur a plus ou moins profité de l’embellie, avec des progressions de 25 % à 30 % environ sur un an pour l’univers des transports (métro, bus, gares, aéroports), le mobilier urbain et le shopping (centres commerciaux), mais de seulement 10 % pour l’outdoor (les traditionnels panneaux).
Cette croissance en 2021 ne suffit pas, toutefois, à compenser la chute sévère subie en 2020, les différentes branches de la communication extérieure restant en recul sur deux ans : -3,2 % pour le mobilier urbain, -9,6 % pour l’univers commercial, -22,1 % pour le grand format et -36 % pour le transport. Cependant, la fin de l’année se situerait au niveau de 2019, selon plusieurs opérateurs, avec des signes plus que prometteurs, qui se confirmeraient début 2022.